Stupid wedding day... (Pepprys)

ccepter la vérité. Admettre qu’on avait un problème. Grave, qui plus est. C’était la première marche vers la guérison, qu’ils disaient. J’avais mis un temps infini à ouvrir les yeux. A voir mon problème en face. L’entêtement et la fierté m’avaient aveuglé pendant des semaines, des mois même. Accepter d’être faible ? Jamais. Moi Emrys Snow, comment pourrais-je être faible ? J’étais père de famille. Un père n’était pas faible. J’avais longtemps vécu avec cette idée en tête, même avant mon hospitalisation. J’avais bêtement cru à mes mensonges. Je m’étais voilé la face pour me convaincre que tout allait bien alors que mon corps me hurlait le contraire. J’avais osé, lâchement, rejeté la faute sur ma fille. S’occuper d’un bébé ou d’un enfant en bas âge vous pompait toute votre énergie. Le corps lâche prise si tant est qu’il ne se repose pas assez. C’est ce que je m’étais dit. La vérité m’avait été mise sous le nez, par Pepper, par les médecins mais rien n’y faisait. Je trouvais toujours des excuses. Jusqu’à il y a peu. Mes séances chez un psy avaient fini par porter leurs fruits. Pendant des mois on m’avait autorisé à boire un minimum pour ne pas sevrer brutalement mon corps. Ce n’est qu’en m’interdisant la moindre goutte d’alcool que j’avais réalisé la véritable nature de mon problème. Cette effroyable vérité qu’on m’avait déjà expliquée à plusieurs reprises mais que j’avais rejetée en bloc. J’étais alcoolique et j’avais un véritable problème.

A partir du moment où j’en pris pleinement conscience – c’est-à-dire très récemment -, tout s’emboita parfaitement dans mon esprit. Comme si le voile que j’avais sciemment accroché dans ma tête s’était enfin volatilisé. Tout me semblait clair. Tout prenait un sens et je comprenais enfin ce qu’il m’était arrivé. Il m’avait fallu un temps fou pour l’accepter. Maintenant que c’était fait, j’étais déterminé à me battre pour ma fille, pour ma femme, pour ma famille. Je ne voulais pas mourir et les abandonner. Elles avaient besoin de moi. Emma avait besoin d’un père en pleine forme pas d’un déchet de l’humanité. Bien sûr, ce n’était pas facile tous les jours mais Pepper veilla à me faciliter la tâche au maximum. Je savais que je pouvais compter sur elle. Elle était ma lumière dans les ténèbres. Ce n’était pas toujours facile, la tentation était forte parfois mais pour le moment, j’arrivais à résister. Mais selon les médecins, le plus dur restait à venir.

Pepper s’arrangeait toujours pour qu’aucune tentation ne soit à ma portée. Pourtant aujourd’hui, l’entreprise s’avérait un peu plus corsée. Nous étions invités au mariage d’une amie de Pepper. Evidemment, dans ce genre d’événement, l’alcool est de mise. Je savais, avant même de monter dans la voiture, que j’allais souffrir. Je parvenais à me tenir éloigner de toute forme de boisson alcoolisée parce qu’il n’y en avait plus à la maison et parce que Pepper prenait bien soin de m’en tenir éloignée. Mais aujourd’hui ? Tout le monde se pavanerait une coupe à la main. Une nouvelle fois, ma femme fit preuve d’une ingéniosité sans faille pour m’en tenir éloigné. Elle le faisait depuis des mois mais je ne l’avais réalisé que depuis peu. Je ne lui avais pas encore dit que je m’en étais rendu compte. C’était fascinant de la voir utiliser tout un tas de stratagèmes. Enfin, le moment était peut-être venu de lui faire part de ce pas en avant non négligeable. Même s’il était récent. Assis à notre table, je fixais mon verre d’eau comme si j’avais le pouvoir de le transformer en autre chose. J’en avais bu deux verres et je n’en pouvais déjà plus. Mon regard se perdit parfois sur les verres des autres invités, à notre table. Bon sang, avoir la tentation juste sous mon nez était une souffrance inexplicable. Il fallait que je m’éloigne.

Je me penchais légèrement vers Pepper, assise à côté de moi pour lui murmurer à l’oreille. « Tu veux bien m’accompagner mon cœur ? » Je ne précisais pas où, parce que je ne le savais pas moi-même. Je me levais et j’attrapais sa main pour la serrer dans la mienne et l’emmener un peu à l’écart, là où la musique était moins forte et où aucune oreille indiscrète ne risquait de trainer. Arrivé dans un endroit qui me parut propice à la confidence, je lui fis face et j’attrapais ses deux mains dans les miennes. « Je te l’ai déjà dit, mais tu es magnifique dans cette robe ma chérie. » Un sourire se dessina sur mes lèvres. « Je voulais te remercier, pour tous les efforts que tu fais depuis ma sortie de l’hôpital. Je ne m’en étais pas rendu compte mais, c’est un combat de chaque instant pour toi et ça ne me plait pas d’être un fardeau. J’ai réalisé… il y a peu… la véritable nature de mon problème. J’ai eu un mal fou à l’admettre et à l’accepter, c’est vrai. J’ai encore un peu de mal à l’avouer d’ailleurs. » En effet, dire à voix haute que j’étais alcoolique était encore difficile et ça me demandait du temps. « Mais c’est déjà un pas de plus vers la guérison. » Parce que oui, j’étais malade. « Alors, merci, pour tout ce que tu fais, pour tes efforts quotidiens. » Sans elle, j’aurais sans doute replongé depuis longtemps. « Cependant, je ne te cache pas que c’est vraiment compliqué pour moi aujourd’hui. Je les vois tous, avec leurs verres à la main et c’est vraiment… » Une torture. Un enfer. « Difficile. » je voulais me battre, évidemment. Mais allez narguer un mec au régime avec des frites. Privez un camé de sa drogue et lorsqu’il est en manque, agitez-lui sous le nez. Lâchez un chien affamé dans une piscine de croquettes. Laissez un enfant dans un magasin de bonbons. Ça me faisait le même effet.