{Appart n°820} ft Emrys ⊰ Ne me refais jamais ça, tu m'entends? (Part 1)

es médecins étaient déjà venus la voir. Je ne savais pas combien de temps j’étais resté inconscient mais cela avait duré bien plus de dix minutes, évidemment. Je supposais qu’ils avaient eu le temps de faire des examens pour trouver l’origine du problème. J’avais été victime d’une crise cardiaque, je le savais. Mon expérience en tant qu’ancien pompier m’avait grandement aidé pour arriver à cette conclusion. Je connaissais les symptômes et en y réfléchissant, ce n’était pas la première fois que mon corps m’alertait d’un problème. Sauf que j’avais refusé de le reconnaitre et d’écouter les signes avant coureurs. Trop borné que j’étais. Cependant, Pepper n’aborda pas le sujet. Elle se contenta d’hocher la tête sans me donner plus d’explications. La sentence était si terrible que ça ? S’il n’y avait rien de grave – ce dont je doutais fortement – elle m’aurait rassuré. Or, elle n’en fit rien. Je ne la connaissais que trop bien, elle gagnait du temps et changeait de sujet pour ne pas penser aux choses fâcheuses.  Je ne pouvais pas la blâmer, j’étais un peu pareil. Je pouvais bien lui accorder ce moment où rien d’autre ne comptait.

Cependant, je me sentais coupable de tout ça. Je savais qu’au moment où je lui avouerais que j’avais négligé ma santé en ne prenant pas en compte ce malaise dans une épicerie, elle m’en voudrait. Au moins un minimum. Je n’avais pas été honnête avec elle et si je n’avais pas été aussi négligent, nous n’en serions peut-être pas là à l’heure actuelle. Je me contentais de sourire à sa question. Je doutais qu’elle attende une réponse mais je n’avais pas encore le courage de m’expliquer. Elle continua sur sa lancée et je l’écoutais sans rien dire. Ses paroles étaient pleines de sagesse et tellement vraies. Je ne me pardonnais pas. Je n’étais même pas sûr que j’y parvienne un jour. Elle se pencha vers moi pour embrasser mon front et je fermai les yeux quelques secondes pour profiter de son contact. La voir aussi combative ne fit que renforcer mon sentiment de culpabilité. Pourtant, malgré tout ça, j’avais la sensation que quelque chose clochait. Comme si les enjeux derrière tout ça étaient bien plus importants que je ne l’imaginais. Qu’est-ce que j’avais raté ? « Vous abandonner ne fait pas partie de mes projets. » Je voulais voir grandir ma fille et être là pour elle et sa mère en toute circonstance.

Peu à peu, je me perdais dans mes pensées, tentant de trouver par moi-même d’où venait le problème. Mais il n’y avait rien à faire, l’illumination ne me frappait pas. Pepper me ramena sur terre en mentionnant les gars. Mes anciens collègues. Sans doute eux qui m’avaient amené à l’hôpital. Un sourire se glissa sur mes lèvres en repensant à eux. Je les avais toujours considérés comme des frères. Faire partie des pompiers de Melbourne permettait de faire partie d’une belle et grande famille. Famille que j’avais délaissée malgré moi depuis mon renvoi. « Je sais… Je me rends compte que je les ai négligés eux aussi. » J’avais tellement merdé dans ma vie depuis quelques années. J’avais vraiment tout foutu en l’air. Il était peut-être temps que je répare mes erreurs. Je soupirais, fermant les yeux quelques secondes. « Tout ça n’aurait jamais dû arriver. Je ne devrais pas me retrouver ici, j’aurais dû… » Je pris une profonde inspiration pour rassembler le plus de courage possible. « Pepper, je n’ai pas été tout à fait honnête avec toi. Ni avec moi-même sans doute. J’aurais pu éviter ça. Si j’avais écouté ce type dans l’épicerie… Si je n’avais pas été aussi borné et aveugle sur mon état… J’ai fait un malaise assez sérieux il y a quelques semaines dans une épicerie. Emma était avec toi ce jour là, j’étais tout seul et je ne me souviens même plus ce que je faisais là-bas. Mais je l’ai sentie cette douleur. Pas aussi forte mais elle était bien là. Ça s’est calmé et je suis rentré… Pepper… » Je fronçais les sourcils, décidé à connaitre la gravité de mon état. « Qu’est-ce que les médecins t’ont dit ? J’ai fait une crise cardiaque, je ne suis pas stupide, mais pourquoi ? » A mon âge, ce n’était pas anodin. Il y avait forcément une raison à ça. Surmenage ? Maladie génétique ? Quelle en était la raison ?

’avais l’habitude de tout dire à Pepper. Je ne lui cachais jamais rien. Nous avions toujours eu cette facilité pour communiquer depuis toujours. Sauf quand l’un de nous deux n’allait vraiment pas bien. Elle m’avait quitté sans un mot, me laissant ensuite dans le flou le plus total jusqu’à m’éviter. Les conséquences avaient été dramatiques. Aujourd’hui, c’était à mon tour de lui cacher des choses alors que j’étais au plus mal. J’aurais pu me servir de mon expérience personnelle pour réaliser que c’était le pire chemin à emprunter. Mais quand plus rien ne va, quand son propre corps déraille complètement, il est difficile d’avoir les idées claires. Je ne pouvais pas blâmer les actions passées de Pepper suite aux drames qui nous avaient tous touchés. Parce qu’aujourd’hui, je faisais les mêmes erreurs. Pire que tout, je fermais moi-même les yeux sur mes problèmes. Je n’avais  pas parlé à Pepper de mon malaise dans cette épicerie. J’avais préféré garder cet événement pour moi, faire comme s’il ne s’était rien passé et aller de l’avant. Du moins essayer de faire bonne figure. Résultat, j’avais failli mourir en ce jour. On dit qu’on apprend de ses erreurs, mais avais-je réellement retenu la leçon ? La réponse me semblait évidente.

Alors je lui avais enfin avoué, même s’il était trop tard. Pourtant je fus surpris de sa réaction. Je m’étais imaginé qu’elle allait mal le prendre, se sentir vexée ou même se mettre à pleurer mais non. Parce qu’elle savait. Depuis peu cependant. Les analyses ne mentaient pas et les médecins lui avaient déjà parlé. Qu’attendaient-ils pour venir me voir directement ? J’étais quand même le premier concerné. Allais-je devoir faire attention à mon alimentation et tout le tralala dans les jours, les semaines, les mois à venir ? La voir dans cet état me brisait le cœur et je serrais sa main dans la mienne en apprenant que je serais mort sans elle. Je le savais. Personne ne survit à une crise cardiaque sans prise en charge. Si j’avais été seul aujourd’hui, je ne serais plus de ce monde. Cette crise aurait pu m’arriver pendant qu’elle travaillait. Malgré tout, j’avais été chanceux qu’elle soit présente. « Je sais. Ça va aller mon cœur. » Pour ça en revanche, je n’en avais aucune certitude. Mais je devais me montrer fort pour lui redonner du courage. Je l’avais suffisamment affectée aujourd’hui.

Ma question resta en suspend. Pourquoi ? Qu’est-ce qui déconnait à ce point chez moi ? J’étais fatigué, certes comme tout jeune père de famille, non ? J’avais bien compris que mon cœur avait un problème, mais de quoi s’agissait-il ? Personne ne faisait une crise cardiaque sans raison. D’autant plus que si j’avais une malformation ou quelque chose de génétique, on l’aurait détecté du temps où j’étais pompier. Donc c’était forcément arrivé après. Oui, mais quoi ? Lorsqu’elle mentionna mon taux de gamma GT trop élevé, son souffle se coupa. Mon cerveau se déconnecta. J’avais comme cette impression de m’être pris une baffe monumentale en pleine tête. Un coup de batte de base-ball aurait eu le même effet. Il n’y avait que peu de raisons qui expliquait que ce taux soit anormalement élevé. L’une d’entre elles se raya automatiquement dans mon esprit. L’alcool ne pouvait pas être responsable. Impossible Mes sourcils se froncèrent lorsqu’elle mentionna un « manque » potentiel. « Manque de quoi ? Je ne manque de rien à part de sommeil. » Ma voix s’était faite un peu plus tranchante que prévu. « Sans doute trop de sucre mais ils peuvent très bien se tromper. Je ne vois pas le rapport avec mon cœur alors ils ont surement raté quelque chose. » Ou bien me voilais-je la face ? C’était plus probable. « Ils ont peut-être échangé mes résultats avec ceux de quelqu’un d’autre. Peut-être même que j’ai quelque chose de non détectable. Il existe tellement de maladies différentes que faire le bon diagnostic est difficile et demande plus de temps. Les erreurs médicales arrivent plus souvent qu’on ne le croit. » Pour moi c’était clair et net. Les médecins s’étaient trompés. Il ne pouvait pas en être autrement. Il n’y avait pas d’autre explication. Point barre.