What's happened ? | Pepam

Je n'avais pas réussi à dormir de la nuit. J'avais veillé sur le sommeil d'Emrys, m'assurant qu'il n'avait pas mal, qu'il pouvait se reposer... Préserver son cœur. J'avais passé la nuit sur le fauteuil à côté de son lit, laissant le matelas au sol à notre fille. Tous les anciens collègues de mon homme lui avaient proposés de la prendre ou de l'emmener chez sa tante ou chez son grand-père. Ils avaient été notre famille, autrefois. Ils savaient où habitait toute la famille d'Emrys. La mienne aussi, à l'époque. Nous avions une confiance aveugle en eux. Nous aurions pu leur confier notre fille sans inquiétude aucune... Mais après ce qu'il s'était passé... Non. Quitter ma fille me semblait impossible, alors que je DEVAIS aller travailler. Nous ne pouvions pas nous permettre une journée de off. Pas maintenant. Pas alors que les soins allaient coûter cher. Je m'en fichais complètement, du prix. Bien sûr. Tant qu'Emrys allait bien ensuite, je payerais tout ce qu'il fallait. Mais pour ça, je DEVAIS aller travailler et je devais donc quitter mon compagnon le temps d'une journée, le temps de rapporter de l'argent.

Bien évidemment, je n'avais fait aucunement part de mes réflexions à mon compagnon et je comptais sur son état encore cotonneux pour l'empêcher de réfléchir à ce genre de problèmes. Avec un long baiser, je lui fis promettre de se reposer et d'être gentil avec les gens qui viendraient lui prodiguer les soins nécessaires. Nous avions tous les deux convenus, même si c'était douloureux, qu'Emma ne pouvait pas rester avec lui, mais avec son hospitalisation, je ne m'imaginais pas ma fille ailleurs qu'à mes côtés. Je pouvais négocier avec Adam pour avoir au maximum les cours hors de l'eau ou au bord. Ainsi, Emma pourrait rester sur la plage. Elle savait rester sous le parasol à jouer avec le sable et je ne serais jamais à plus de sept mètres d'elle ainsi. Si je devais conduire des groupes en bateau, je pouvais facilement la prendre avec moi. Elle se retrouvait sur mes genoux à la barre depuis longtemps déjà et adorait tenir le volant. Enfin, pour les cours que je ne pouvais repousser dans l'eau, je savais qu'Ariel serait ravie de la surveiller une heure ou deux à la boutique.

J'arrivais donc au travail à l'heure, mais épuisée. Ce qu'Adam me fit immédiatement remarquer quand il me fit. La douleur dans mon propre cœur fut insupportable. Pas à cause de ses mots, mais parce que je prenais, une nouvelle fois, la réalité en plein visage. Je secouais la tête en me mordant la lèvre quand il me demanda si je n'avais pas dormi.

Je secouais une nouvelle fois vivement la tête, les larmes aux bords des yeux, alors qu'il me proposait de rentrer me reposer. « Je peux pas », dis-je, la voix brisée. Je jetais rapidement un coup d'œil sur le siège auto à l'arrière. Emma s'était rendormi, à nouveau et j'éclatais en larme, sentant immédiatement les bras d'Adam autour de moi et plongeant mon visage contre son torse. Je ne savais pas trop si c'était moi qui m'étais jeté dans ses bras ou lui qui m'avait enlacé en me voyant craquer, mais je restais un petit moment dans ses bras, à m'effondrer. Je n'avais pas pu le faire depuis hier. Pas depuis le réveil d'Emrys et j'avais encore beaucoup à évacuer. « C'est Emrys... », dis-je entre deux sanglots. « Il... Il est à l'hôpital... Il a failli mourir... Il... On a des problèmes, Adam. De gros problèmes... Je l'ai brisé et maintenant il est à l'hôpital par ma faute... »

Je savais que je devais avoir l'air de rien et ne pas être superbement claire dans mes propos, mais le manque de sommeil et l'inquiétude rendait mes réflexions difficiles et j'avais un mal fou à me concentrer sur le présent et à parler posément. C'était aussi pour ça que j'avais besoin de venir travailler. Je devais sortir de cet état de panique générale. J'avais besoin de réfléchir clairement. Et tout ceux qui me connaissaient savaient que j'avais besoin d'être dans l'eau pour ça.

Adam essaya de me rassurer. Il était vivant, hors de danger, non ? Comment dire que c'était plus compliqué que cela ? Oui, il était sorti de danger pour le moment. Il n'allait pas mourir dans l'immédiat. Mais c'était bien plus compliqué que ça. Son cœur lui faisait défaut parce qu'il était abîmé. Hors de danger était un bien grand mot.

Je souris doucement, encore entre ses mains, ses doigts frottant mes épaules pour me donner du courage. « Tu sais qu'elle ne voudra plus jamais partir de chez toi si elle y passe une nuit. Tu vas tellement la gâter et elle est bien trop malicieuse ma petite princesse... » Du dos de la main, j'essuyais mes joues, inspirant longuement pour essayer de retrouver un minimum de contenance. J'avais déjà été dans cet état, auparavant. Cela n'avait rien donné de bon. Je devais écouter Adam et me calmer pour être la plus claire possible. S'appuyer sur les gens qui nous aiment pour trouver la stabilité. Ma psychothérapeute m'avait dit cela un jour. Mes amis et ma famille étaient une force chez moi et j'avais appris à en prendre conscience durant mes soins.

« Hier, il... il a fait un arrêt cardiaque... Son cœur est abîmé et il a... Les médecins disent que si je n'avais pas été là, il serait mort... Ils disent qu'il ira bien avec les traitements et les soins, mais... » Je levais les yeux au ciel pour ravaler mes larmes, avant de les rebaisser. « J'ai pas vu... J'ai pas vu qu'il allait aussi mal... Qu'il se mettait autant en danger... Il m'a avoué qu'il avait fait un malaise l'autre jour en faisant les courses et... Adam, c'était pas le premier. Et je voyais bien qu'il y avait... Qu'on... » Et voilà, je reperdais le fil de mes pensées. « J'ai vu, mais j'ai fermé les yeux. Je me disais qu'il ne pouvait pas être aussi mal. Qu'il contrôlait... Mais j'avais tort. Il avait des problèmes et moi je laissais faire je... » Je m'effondrais de nouveau, les larmes coulant sur mes jours. « Je l'ai pas aidé... Je l'ai pas sauvé... »

Je m'en voulais tellement. Bien sûr, les médecins disaient aussi que ça n'était pas de ma faute... Mais c'était mon homme. Je vivais avec lui. Je dormais avec lui. Je ne pouvais que voir les signes et je n'avais pas réalisé. Pas réagi. Alors, si. De toutes les façons possibles, tout ça était de ma faute.

J'étais désespérée. Moi qui pensais que nous allions mieux. Que nous avions une nouvelle chance... Je m'étais clairement fourvoyée. Nous en étions toujours au même point. Sauf que cette fois, c'était lui qui était malade et moi qui ne tenais que parce que notre fille avait besoin de quelqu'un pour elle. Je connaissais assez mon homme pour savoir qu'il avait réellement l'intention de se battre, mais je le connaissais aussi assez pour savoir qu'il n'allait pas accepter si facilement la vérité. C'est qu'il pouvait être borné, mon Emrys. Combien de fois nous étions nous disputés à cause de cela ?

Seulement cette fois, moi, j'étais différente. Si j'avais l'impression de revenir en arrière, je n'avais pas l'intention de me laisser dévorer une fois de plus. J'avais fuit une fois, m'enfonçant dans mon imagination, préférant croire que le monde entier se porterait mieux si j'étais loin et seule. Je ne referais pas cette erreur. J'avais besoin de mes amis. J'avais besoin de soutien et j'avais besoin d'être forte pour pouvoir l'aider, lui. Je n'allais pas fuir. Ni la situation, ni mes amis.

Adam tenta de me rassurer, de me prouver que toute cette histoire n'était pas de ma faute et je me mordais la lèvre. Il avait raison, bien sûr. Ces idées étaient bien pensante, ses intentions pures et il pensait réellement ce qu'il me disait... Mais il ne savait pas tout. Il ne savait pas pour l'alcool. Il ne savait pas... Personne ne savait que j'aurais pu le dire moi-même, que cela allait trop loin. Qu'il y avait plus. Il y avait tellement eu de messages d'alertes, mais nous avions fermé les yeux, lui comme moi. Lui pour mieux s'enfoncer, moi pour rester dans ma fausse croyance que nous allions mieux.

Je hochais malgré tout la tête. Il avait raison, je devais l'aider. Je pouvais le faire et je devais le faire. Il n'y avait qu'un ennui... « Mais je ne sais pas comment l'aider, Adam... », avouais-je douloureusement. Par réflexe, je regardais de nouveau dans la voiture. Emma était toujours calme. Je regardais donc de nouveau mon collègue et ami. « Et si je lui faisais plus de mal que de bien ? Tu sais comme il est fier. Il ne supporte pas de montrer ses faiblesses, encore moins à moi. Après ce qu'il s'est passé... On a beau essayer de recoller les morceaux, il y a toujours quelque-chose qui ne va pas on... On a plus la même confiance l'un envers l'autre. » Pas tout à fait vrai. « Il n'a plus la même confiance en moi. » Je soupirais. « Comment je fais s'il ne veut pas de mon aide ? Il dit que si, mais... Dire oui quand on est allongé dans un lit d'hôpital et accepter quand les vrais problèmes commencent... C'est pas la même chose. J'ai peur d'échouer... J'ai peur de le perdre aussi. Je survivrais pas sans lui. Et Emma... Emma a besoin de son père. » Nous avions toutes les deux besoin de lui.

Emrys avait toujours été le plus compliqué des malades. Rien que pour un rhume ou un orteil cassé, c'était un enfer. Il souffrait, mais refusait de prendre des médicaments, grognait de ne pas être capable de faire telle ou telle chose à cause de la fatigue et s'énervait même d'être énervé. Cela pouvait être drôle, lorsqu'il s'agissait d'un rhume ou d'un orteil, mais aujourd'hui, cela n'était pas du tout amusant. Pire, c'était une immense source d'inquiétude. Je n'étais pas certaine d'être capable de gérer ça. Je n'étais même pas certaine qu'il ne laisse le faire. Emrys n'avait jamais aimé se plaindre, parce qu'il ne voulait pas déranger, imposer ses faiblesses ou d'autres trucs d'homme qui se veut viril. Il m'avait fallu des années pour qu'il accepte que je prenne soin de lui quand il n'était pas bien et cela après des années de vie commune à partager tout, sauf ça. Là... On touchait à quelque-chose de tellement sensible... Pire que de ne pas être à la hauteur, j'avais peur qu'il ne me laisse pas du tout approcher. Qu'il veuille se laisser aller dans ce refus de voir la vérité et que cela ne fasse qu'empirer les choses.

Quand je dis à Adam qu'Emrys n'avait plus confiance en moi, celui-ci me demanda immédiatement si je le tenais de mon homme ou si je l'avais déduit. Je compris immédiatement où il voulait en venir. « Je ne me fais pas de films, Adam, c'est la vérité. Même si on s'aime et qu'il m'a beaucoup aidé quand je n'étais pas bien... Y a un truc de brisé entre nous. Il ne m'a pas dit combien ça allait mal pour lui et je sais qu'il l'a fait en partie parce qu'il se voilait la face, mais aussi parce qu'il voulait me protéger. Je le vois dans ses yeux... Il a peur que je replonge, que je ne sois pas assez forte pour supporter les choses difficiles. Il a peur qu'un jour je disparaisse à nouveau... » Je fermais les yeux, détournant la tête, dégoûté de moi-même. « Comment je pourrais le lui reprocher... C'est ce que j'ai fait une fois déjà et aujourd'hui, il en paye les conséquences... »

Je savais que je ne pouvais pas me blâmer de tous les mots du monde. Mon travail en thérapie avait consisté en beaucoup en cela, mais je devais aussi affronter la vérité. J'avais mal vécu le deuil de ma famille et ma réaction n'avait pas été la bonne. J'avais fait comme je le pouvais à l'époque, avec ma souffrance et mes propres blessures, mais la vérité était que ce qui m'avait affecté avait aussi affecté mon entourage. Emrys avait dû affronter ça et pire encore tout seul. Il n'avait pas seulement perdu son meilleur ami et sa belle-mère, il avait aussi perdu sa petite amie. Moi j'avais fuit. Pour lui, c'était comme si j'étais morte moi aussi et ce pendant plus de deux ans, alors même que j'étais vivante et qu'on se voyait parfois. Je n'étais que l'ombre de moi-même à cette époque et pendant un temps, la fille que j'avais été autrefois avait réellement été comme morte.

« On s'aime et on se bat pour retrouver un équilibre... Mais les conséquences de mes actions après la mort de Dan et Mom, c'est... C'est pas quelque-chose de si facile à oublier. Pas quand ça a causé tant de peine, tu sais... »

Tout en essayant de me rassurer, Adam évoqua l'idée du psy pour aider et je hochais lentement la tête. « Oui, je... je devrais probablement appeler le Docteur Potter et lui demander si on peut avancer notre rendez-vous... » Même si je disais aller bien mieux aujourd'hui, j'avais toujours un traitement léger et toujours des rendez-vous régulier (même si une fois par mois désormais), avec ma psychiatre, pour m'assurer que tout allait pour le mieux et pour achever mes soins. J'avais eu de fortes doses d'anxiolytiques et d'antidépresseurs entre autres bonbons quotidien pendant longtemps et le sevrage était aussi long et compliqué qu'il allait l'être pour Emrys. Je savais un peu par quoi il allait passer, même si mes drogues à moi m'avaient été fournies par le corps médical et toujours strictement surveillées. J'étais encore incapable de me passer totalement d'anxiolytiques et toutes mes tentatives de sevrage complet s'était soldés par le retour d'angoisses puissantes, même si nouvelles dans les idées.

Avec un soupir, j'enroulais mes bras autour des épaules du brun pour le serrer contre moi. « Merci... », soufflais-je en sentant mes épaules de décontracter un peu, la pression moins forte. « Merci d'être là et d'être aussi patient avec moi... »