Il n'y a pas grand chose à dire sur l'enfance de Vicky. La jeune femme a eu une vie on ne peut plus normale pendant bien des années. Elle avait déjà un frère lorsqu'elle est arrivée dans la famille et une petite sœur les a rejoint quelques années plus tard. Pendant de nombreuses années, elle a vécu le plus normalement et le plus simplement du monde. Dès ses plus jeunes années à l'école, c'était une élève curieuse, avide de toujours plus de connaissance, mais également un peu casse-pieds à poser tout le temps des questions avant même qu'on lui donne la parole. La pipelette qu'elle était a fini par apprendre à tenir sa langue mais elle n'en était pas moins curieuse. Elle a toujours été plutôt bonne élève, elle ne ramenait que très rarement des mauvaises notes alors ses parents ne lui en tenaient pas rigueur, ils lui disaient simplement qu'elle ferait mieux la prochaine fois. Vicky n'a jamais été le genre de personne à se faire beaucoup remarquer, elle avait son groupe d'amis, elle n'a jamais eu une heure de colle et n'était jamais mêlée aux bagarres. Et quand bien même elle pouvait se retrouver au milieu d'une mauvaise situation, elle avait une bonne réputation auprès du corps enseignant, alors on jugeait rapidement qu'elle était juste au mauvais endroit au mauvais moment, que ce soit vrai ou non. Et cela l'arrangeait bien ! Ce qui est sûr, c'est que ses parents n'ont jamais été inquiétés de son comportement et n'avaient pas à se plaindre d'eux. Elle s’estimait plutôt chanceuse dans sa vie, elle était en bonne santé, elle avait une famille normale, elle était heureuse. C'est pourquoi elle fut prise de court quand ses parents ont divorcé durant son adolescence. Vicky avait quatorze ans et elle avait cru a une énorme mauvaise blague... Rien n'annonçait que ses parents allaient se séparer ou alors elle était trop dans son petit monde pour se rendre compte que ça n'allait plus entre eux. Comme tout enfant de divorcés, elle a été perturbée par la situation et leur en a voulu à tous les deux tout comme sa sœur. Seul leur grand frère ne semblait pas plus surpris que ça, ou alors il le cachait bien. « Écoutez, vous n'y êtes pour rien. Votre père et moi, on ne s'aime plus et ce sera mieux comme ça. » « Oui, mais rassurez-vous, on ne se déteste pas, simplement, on ne peut plus vivre ensemble. » Vicky avait bien du mal à comprendre... S'ils s'entendaient toujours bien, alors qu'elle était le problème ? Il lui fallut de nombreux mois pour comprendre qu'ils n'étaient tout simplement plus heureux ensemble et qu'il valait mieux se séparer pour le bien de tout le monde. Alors, elle a fini par l'accepter. Mais le fait que ses parents s'entendent toujours correctement aidait probablement plutôt que d'avoir des parents qui se déchiraient constamment et tentaient de se pourrir la vie mutuellement.
Vicky s'est remise du divorce de ses parents et à continuer sa vie, passant du temps chez l'un comme chez l'autre même si elle était plus souvent chez sa mère puisque c'est elle qui était restée à la maison tandis que son père avait déménagé. Vicky savait que ses parents fréquentaient des gens mais elle préférait ne pas savoir ce qui se passait dans l'intimité, c'était trop … beurk ! Ce fut son père qui leur présenta sa nouvelle compagne en premier après plusieurs mois de relations et Vicky a toujours eu du mal avec cette femme. Elle dégageait un air hautain qui l'insupportait et elle ne semblait pas porter les enfants dans son cœur. Si elle jouait les bonnes copines quand il était là, c'était tout autre choses lorsqu'elle se retrouvait seule avec Vicky. Vicky ne la supportait pas et sa belle-mère le lui rendait bien. A cause d'elle, Vicky n'allait voir son père que lorsqu'elle savait que sa compagne n'était pas dans les parages ou elle le voyait à l'extérieur. Sa mère mit plus de temps à leur présenter quelqu'un, préférant être certaine que les choses étaient sérieuses entre eux. Heureusement, le contact passait mieux avec lui qu'avec sa belle-mère. Mais au début, Vicky avait du mal... cet homme n'était pas son père et elle acceptait difficilement de le voir sous son toit, au bras de sa mère, le voir en face d'elle en prenant le petit déjeuner... il lui fallait un temps d'adaptation. Mais à force d'observer, elle se rendait compte qu'il rendait sa mère heureuse. Depuis longtemps elle ne l'avait pas vu comme ça, elle réalisa qu'avec son père, elle n'avait pas vu ce sourire sur les lèvres de sa mère depuis des années. Alors, il lui fallu du temps, certes, mais elle accepta son beau-père jusqu'à ce qu'ils se marient. Depuis, elle s'entend très bien avec lui mais elle n'a pas manqué de lui lancer quelques « C'est bon, ça va, t'es pas mon père ! » lorsqu'il lui faisait une remarque alors qu'elle n'était pas d'humeur.
Lorsque Vicky entra au lycée, elle ne savait pas que sa vie serait bouleversée. Dix-sept ans, c'est souvent à cette période que l'on tombe amoureux. Plus adolescent, pas encore vraiment adulte, on croit trouver l'amour et que ça durera toujours. C'est ce que Vicky a cru quand elle a rencontré Aiden. Elle avait à peine croiser son regard que son cœur s'était emballé. C'était comme dans un film, elle avait la sensation que plus rien n'existait autour d'elle, en cet instant, il n'y avait plus que son visage, son sourire qui la faisait craquer, son regard clair dans lequel elle était prête à se noyer. Il ne manquait plus que la petite musique carillonnant derrière eux. On aurait pu lui démontrer par a plus b qu'elle se faisait des idées, personne n'aurait pu la faire douter de ses sentiments pour lui, c'était ça l'amour, le vrai, elle en était persuadée. Rapidement, ils sympathisèrent et il fallut peu de temps pour qu'ils se mettent en couple. Si certains ont pu douté de la durée de leur couple, elle l'aimait comme au premier jour. Une fois qu'ils eurent leurs diplômes en poche et l'obtention d'une bourse, Vicky quitta le domicile familial et le couple s'installa ensemble. Aiden se lança dans des études de médecine alors que Vicky s'inscrivit dans un cursus de journalisme, une chose qui la passionnait depuis longtemps. Ils vivaient heureux et ils s'aimaient... mais trois ans plus tard, tout bascula. Depuis quelques semaines, Vicky ressentait des vertiges, elle était à fleur de peau. Constatant un retard sur ses règles, elle acheta un test de grossesse sans en parler à Aiden. Le test se révéla positif alors dès que possible, elle fit une prise de sang pour confirmer ou infirmer le résultat. « C'est pas vrai... » lâcha-t-elle dans un soupire en ouvrant le courrier qui confirmait sa grossesse. Alors elle était enceinte... Ce n'était pas du tout prévu ça. Vicky avait toujours voulu des enfants, mais elle avait vingt ans et elle voyait ça... plus tard, quand elle aurait terminé ses études et qu'Aiden serait lui aussi diplômé. Vicky voulait garder cette enfant, seulement, si elle se sentait capable de mettre ses études en suspens pour élever un enfant, elle ne pouvait pas imposer la même chose à Aiden. La médecine... c'était déjà difficile, c'était lourd et c'était son rêve depuis l'enfance. Et ce genre d'études n'était pas conciliable avec une vie de famille... pendant de longs jours, elle se demanda ce qu'elle allait faire, ce qu'elle allait dire, elle était distante avec Aiden malgré elle, gardant le silence sur sa grossesse. Alors... tandis qu'Aiden était en cours, Vicky rangea toutes ses affaires et elle s'enfuit. Tout simplement. Son amour pour Aiden était tel qu'elle refusait de l'obliger à choisir entre son rêve de gosse et leur enfant. Elle avait beau être persuadée que c'était le meilleure solution, ça ne l'empêchait pas de pleurer toutes les larmes de son corps au volant de sa voiture.
Pendant quelques temps, Vicky fut hébergée par une de ses amies. Elle était bouleversée, commençant à douter du bien fondé de cette décision. Elle n'avait qu'une envie, retourner voir Aiden, tout lui expliquer, lui dire à quel point elle était désolée mais... si elle faisait ça, il ne pourrait pas se concentrer sur ses études. Vraiment, elle n'avait pas d'autres choix... Malgré sa peine, Vicky se chercha un appartement, elle devait changer de ville pour minimiser les risques de croiser hasardeusement Aiden. Aussitôt trouvé, elle parti s'installer à Melbourne sans se retourner. Elle ne dit jamais à ses proches où elle se trouvait exactement afin qu'ils ne puissent pas le dire à Aiden. Chaque fois qu'il essayait de l'appeler, elle laissait sonner ou raccrochait immédiatement. Au final, elle changea carrément de numéro pour ne plus éprouver cette immense culpabilité quand elle voyait son nom s'afficher sur son écran. Vicky construisit sa vie à Melbourne comme elle le pouvait, profitant chaque jour de sa grossesse, mais elle regrettait qu'Aiden ne soit pas là à ses côtés. Pas là pour poser ses mains sur son ventre, pour sentir bouger leur petit bout à l'intérieur d'elle... Vivre une grossesse seule c'était épuisant physiquement comme émotionnellement. Mais elle devait faire de deuil de leur relation. C'était elle qui avait pris cette décision, maintenant, elle devait en assumer pleinement les conséquences.
En ce sept juin mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-sept, Vicky vécu la plus belle chose au monde. Pendant la nuit, elle avait eu de nombreuses contractions, plus fortes que d'habitude, alors comme la date de son terme approchait, elle avait paniqué. Elle avait alors frappé chez son amie et voisine qui avait déjà un enfant si c'était normal ou si elle devait s'inquiéter. Elle avait su la rassurer mais aussitôt, les contractions avaient repris, plus fortes, plus rapprochées. Alors elle avait compris. Sa voisine la conduit jusqu'à l'hôpital et quelques heures plus tard, Vicky donnait naissance à sa fille. Toute la douleur qu'elle avait enduré, toute la peur qui l'avait traversé pendant qu'elle poussait, toute la panique de ne pas être à la hauteur en tant que mère, tout ça fut balayé à l'instant même où la sage-femme lui posa son bébé sur la poitrine. Sa fille. Les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres, Vicky la regarda pleurer dans ses bras jusqu'à ce qu'elle se calme et s'endorme sagement dans ses bras. Cette sensation était si intense, une force qui l'envahissait. Elle sut en cet instant qu'elle ferait toujours tout pour sa fille, sa petite Maeve, qu'elle voulait la rendre heureuse. Même si elle était consciente que l'élever seule ne serai pas simple, elle allait tout faire pour être la meilleure mère qui soit. Elle s'en faisait la promesse, et elle la faisait à Maeve.
Vicky a élevé sa fille toute seule pendant sept ans. Sept ans pendant lesquels elle répondit toujours aux questions de sa fille sur son père. Pas question de lui dire « Il est très loin mais il t'aime très fort » ou n'importe quel mensonge qui laisserait suggérer qu'il serait là pour elle. Pour autant, elle évitait de donner des détails. Elle mettait un point d'honneur à ne pas lui mentir mais elle omettait certaines choses. Au fond, elle aimait toujours Aiden, mais elle ne pouvait pas dire à sa fille « je suis tombée enceinte de toi et je l'ai laissé tomber du jour au lendemain pour qu'il puisse devenir médecin, PS : il n'a pas la moindre idée de ton existence. » Ça la foutrait assez mal comme explication... Même si elle avait toujours Aiden en tête, Vicky se mit à fréquenter un homme en qui elle eu assez confiance pour accepter de le faire entrer dans la vie de sa fille. Surprotectrice avec Maeve, autant dire qu'elle avait hésité très longtemps avant de franchir ce pas. D'ailleurs, même s'il était assez souvent là, elle ne l'a jamais invité à s'installer chez elle. C'était une étape qu'elle n'était pas prête à franchir. Cette relation de couple plutôt libre qu'ils avaient lui convenait comme ça, elle n'était pas prête à vivre une véritable histoire d'amour... Pour la simple et bonne raison que malgré les années, elle était toujours amoureuse d'un autre. Elle n'était pas la première femme dans l'histoire de l'humanité à vivre cette situation alors même si ça faisait mal au début, elle était persuadée que ça lui passerait. Pas qu'elle oublierait Aiden, ça jamais ! Simplement qu'elle saurait tourner la page et refaire sa vie mais manifestement c'était impossible... et c'est la raison pour laquelle elle mit fin à sa relation avec son compagnon après sept ans. Bien sur elle s'en voulait par rapport à sa fille qui s'était habituée à lui et le considérait comme un père mais Vicky était comme sa mère avant son divorce, elle n'était pas heureuse avec l'homme qu'elle fréquentait... même si elle partageait sa vie dans une bien moindre mesure. D'une certaine façon, heureusement qu'elle n'avait pas voulu qu'il soit trop présent dans leur vie. Depuis environ six ans, elle n'a pas entretenu de relation sérieuse avec un homme, seulement quelques aventures qu'elle n'a jamais présenté à sa fille. Plus elle y pense et plus elle se dit qu'elle n'arrivera jamais à tourner la page, à ne plus être amoureuse du père de sa fille...