Dans la vie, personne ne naît vraiment égal à une autre personne. On a beau dire que nous naissons tous libres et égaux, ce n’est pas vrai. Certains sont abandonnés à la naissance et passent leur enfance dans un orphelinat miteux, d’autres ont une vie modeste, banale mais heureuse avec des parents aimants. D’autres encore grandissent avec une cuillère en argent dans la bouche avec des parents très peu présents. Le petit Castiel a connu ce dernier cas de figure. Fils unique d’un père PDG d’une grande filiale d’entreprises à travers le monde et d’une mère chirurgienne de renom, on ne peut pas dire qu’il manquait de quoi que ce soit étant petit. Enfin si. Il lui manquait une chose. Il avait tout ce qu’il voulait à la maison. Des vêtements hors de prix, les derniers jouets sortis, les meilleurs cuisiniers pour lui préparer à manger, les meilleurs professeurs, une gouvernante en or pour s’occuper de lui à plein temps. Oui, à plein temps. Parce qu’il avait beau avoir tout ce qu’il voulait en ouvrant simplement la bouche, il lui manquait une chose primordiale. L’amour de ses parents ou au moins leur présence. Il n’était pas du genre capricieux et ne voulait pas spécialement avoir le dernier jouet à la mode ou la dernière console sortie. Ce qu’il lui manquait réellement, c’était un bisou de sa maman le soir pour lui souhaiter bonne nuit, un câlin de son papa quand il ramenait une bonne note. Un Félicitations enjoué quand il avait gagné son match de tennis, le soutien de ses parents pendant ses entraînements… Mais non. Il n’avait rien de tout ça parce que ses parents étaient continuellement absents. Sa mère passait sa vie à l’hôpital et quand elle rentrait Castiel dormait déjà. Son père quant à lui avait un téléphone greffé à l’oreille quand il daignait faire acte de présence à la maison.
Son enfance n’était pas malheureuse, loin de là. Beaucoup d’enfants auraient aimé être à sa place, c’est indéniable. Mais ses parents lui manquaient. Souvent. Et quand il se mettait à pleurer, il n’y avait qu’une seule personne pour le consoler, celle qui a véritablement l’image de la figure maternelle parfaite à ses yeux. Sa gouvernante. Emmy ou Mimi comme il l’appelait. Cette femme était d’une douceur et d’une gentillesse infinie. Elle était une épaule sur laquelle pleurer quand il n’allait pas bien, une oreille attentive à ses problèmes, une mère parfaite. Une mère de substitution. C’est elle qui l’a presque élevé seule, Madame Redfield se contentant de hocher vaguement la tête quand son fils lui racontait ses prouesses de la journée. Jamais il n’a vu un regard aimant dans les yeux de cette femme froide qui ne vivait que pour son travail. Alors le petit Castiel reportait tout son amour vers cette femme si protectrice et si attentionnée à son égard, sa chère Mimi.
Malgré tout, ses parents étaient présents dans son éducation. Oh, pas physiquement présents, non. Disons qu’ils mettaient un point d’honneur à ce que leur fils soit bien éduqué, poli, toujours bien habillé, et qu’il fasse des activités extra-scolaires. Inutile de lui proposer des activités artistiques, il n’y a que les moins que rien qui s’adonnent à la musique ou au dessin. Les Redfield visaient plus haut et décidèrent de l’inscrire à des cours de tennis, dès son plus jeune âge. Castiel aimait le sport, heureusement pour lui, et il était nul dans toutes les formes d’art alors ça tombait plutôt bien. Monsieur et Madame Redfield voulaient toujours le meilleur pour leur fils, pas forcément pour son propre bien-être, mais surtout pour en mettre plein la vue. L’argent était assez vite monté à la tête de sa mère qui ne voyait plus que par le prestige et le luxe. Toujours, tout le temps, son fils devait exceller partout. Il était bon au tennis et à l’école, c’était déjà pas trop mal.
En grandissant, il s’est développé une passion pour le sport. Il aimait courir et se dépenser jusqu’à tomber à bout de force. Il aimait toutes les sensations que pouvait ressentir un corps pendant l’effort à tel point qu’il a commencé à faire de l’athlétisme, abandonnant le tennis qui n’était pas assez physique à son gout. Ce n’était pas vraiment du gout de ses parents mais il ne leur laissa pas trop le choix. C’était ça où il ruinait leur réputation lors d’une soirée de gala ou n’importe quelle soirée où il fallait faire bonne impression. Et oui, Castiel avait déjà de la suite dans les idées à quinze ans. Il abandonna donc le tennis, laissant sa mère ruminer dans son coin alors qu’il se lança dans l’athlétisme. Mais encore une fois, ce n’était pas suffisant. Du moins, il lui manquait quelque chose. Le sport c’est bien, mais seul, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Alors, il se mit à réfléchir et au bout de quelque temps, il décida d’en faire son métier, plus tard. Oh, il ne voulait pas devenir sportif professionnel, non. Le monde des paillettes ne l’intéressait pas vraiment. Il le détestait même puisqu’il lui avait pris ses parents. Lui ce qu’il voulait vraiment, c’était côtoyer les autres personnes, celles en bas de l’échelle sociale, celles qu’il n’avait pas l’habitude de fréquenter. La haute société ? Il ne se sentait pas de ce monde. Malgré le fait qu’il soit né dedans, il ne s’y sentait pas à sa place. Côtoyer des gens simples, qui ne se prenaient pas la tête avec leur façon de se comporter était bien plus intéressant et enrichissant.
Au grand damne de ses parents c’est en sortant en cachette durant son adolescence qu’il a rencontré ces gens simples. Ces gens qui lui ont donné envie de les côtoyer. Une fois dans un café, il est tombé sur une fille qui avait attiré son attention un peu plus que les autres. Plutôt sûr de lui, il avait entamé la conversation et ils ont fini par discuter tranquillement avant de sympathiser. Chaque fois, ils se donnaient rendez-vous dans ce même café à la même heure pour discuter de tout et de rien. Elle avait une vision des choses plutôt fascinante et elle ne le laissait pas indifférent. En plus de sa façon de voir les choses un peu particulière, elle avait un physique assez atypique. Elle avait les cheveux rouges et quelques piercings sur le visage. Chose que Madame Redfield ne supporterait jamais. Mais avec elle il se sentait bien, léger et surtout, il se sentait libre. Et ce qui devait arriver, arriva. Ils ont fini en couple. Evidemment, il ne mentionna pas ce petit détail lors des repas de famille, ça ferait scandale. Alors, ils se voyaient comme ils le pouvaient et quand ils le pouvaient. Avec elle, il avait l’impression de vraiment vivre sa vie, de profiter de chaque instant. C’est même cette demoiselle qui lui a permis de choisir son métier actuel en l’emmenant avec elle à un cours de fitness. Ce fut une véritable révélation. Voilà comment allier le sport au contact humain. Tout était tellement parfait avec elle…
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Leur idylle aura duré deux ans. Deux années d’amour inconditionnel. Jusqu’à ce que ses parents découvrent le pot-aux-roses. Cette fille était une véritable honte, un déchet de l’humanité, elle polluait l’esprit de leur fils. Ils ont tout fait pour les séparer, interdisant à Castiel de quitter la maison seul, l’affublant constamment d’un garde du corps pour le surveiller, cherchant même à trouver une meilleure femme pour leur fils, rabaissant encore et encore la jeune femme qui n’avait pourtant rien demandé. La pression était forte et malgré son amour pour Castiel, elle a fini par ne plus supporter cette vie. Elle l’a quitté. Définitivement. En disparaissant du jour au lendemain. Plus jamais il n’aura de nouvelles d’elle. Est-ce qu’elle a mis fin à ses jours ? Est-ce qu’elle a quitté le pays ? Il n’en sait rien. C’est comme si elle avait disparu totalement de la circulation sans laisser de traces. Il mit un peu de temps à s’en remettre et forcément, il en voulait à mort à ses parents parce qu’il savait qu’ils étaient responsables. C’était une évidence. Mais au lieu de leur faire payer en faisant des conneries de jeune délinquant, il a préféré la jouer plus subtil. En effet, après avoir obtenu son diplôme à la fin du lycée, il ne se lança pas dans des études de médecine ou de droit comme ses parents le voulaient. Non. Il a choisi une tout autre voie. Une voie pour les pauvres. Celle de l’enseignement. Oh, il ne voulait pas être professeur dans une école prestigieuse, non. Professeur de sport, de fitness plus particulièrement, au grand désespoir de ses parents. Une bataille s’en suivit au sein de la famille. Mais chacun campait sur ses positions. Castiel voulait devenir prof de sport et rien ni personne ne pouvait le faire changer d’avis. Alors, ils ont réussi à trouver un compromis. Ses parents acceptaient à la seule condition qu’il continue de participer à leurs soirées mondaines pour y faire bonne figure et sauver les apparences. Parce qu’avec tout ça, l’image de la famille en avait pris un sacré coup. Les nouvelles vont vite dans ce milieu.
Il détestait participer à ce genre de soirée où le but était clairement d’en mettre plein la vue. Il s’y ennuyait chaque fois comme un rat mort et attrapait des crampes à la mâchoire à force de sourire à tout ce qui bouge. Mais c’était le deal, et il l’avait accepté. Un jour, alors qu’il ne souhaitait qu’une chose, disparaître de la soirée, il rencontra une jeune femme qui s’ennuyait tout comme lui. Elle aussi était là par obligation et n’avait qu’une hâte, c’était que la soirée se termine pour rentrer chez elle. Ils ont commencé à discuter, comme deux âmes en peine autour d’un verre, à s’échanger des anecdotes sur leur vie remplie de contraintes… Ils s’entendaient bien et grâce à elle, la soirée passa très vite. Ils se sont retrouvés à une autre soirée, puis à une autre, prenant ainsi cette habitude de passer du temps ensemble pour tuer le temps justement. Et puis, la discussion ne suffisait plus, les gestes sont arrivés, des effleurements, des compliments jusqu’à un baiser échangé à l’abri des regards. Et subitement, ils se sont retrouvés à s’envoyer en l’air pour passer le temps. Elle était attirante, certes, mais elle était juste là au bon moment, pour combler l’ennui mortel de cette soirée. Un amusement de passage rien de plus.
Une distraction régulière même puisqu’à chaque fois qu’ils se retrouvaient en soirée, ça finissait toujours de la même manière. Dans un coin, à l’abri des regards, leur corps parlant pour eux. Elle n’était pas une petite amie. Elle n’était pas une relation. Juste une distraction lors de longues soirées ennuyeuses. D’ailleurs, jamais ils n’ont mis de mot sur leur relation, jamais ils ne l’ont qualifié. A quoi bon ? Ils n’étaient rien l’un pour l’autre et ils avaient leur vie chacun de leur côté. Alors, pendant trois ans, c’était devenu leur petit rituel. Dès qu’ils se voyaient à la même soirée, ils se rejoignaient à l’écart de la foule pour laisser leurs besoins charnels prendre le pas sur tout le reste. Jusqu’à ce qu’il apprenne une nouvelle qui changea le cours de sa vie.
Milah est tombée enceinte. De lui. Ce fut un véritable choc pour lui. Il ne s’attendait pas à devenir père. Du moins pas si vite et pas en étant célibataire. Il en avait eu des filles dans sa vie, mais jamais rien de bien sérieux, pourtant la donne avait changé. Sa mère faillit faire une crise cardiaque en l’apprenant. Son fils était décidément la honte de la famille. Non seulement il exerçait un métier misérable mais en plus de ça, il procréait hors mariage. Heureusement pour tout le monde, sauf peut-être pour Castiel, le père de Milah passa une sorte de marché avec ses parents, l’obligeant alors à épouser cette femme qui portait son enfant. A presque 27 ans, il n’était pas prêt à se marier mais il n’avait pas vraiment le choix. Il ne voulait pas laisser cette pauvre Milah déshonorer sa famille et surtout, il ne voulait pas qu’elle élève leur enfant seule. Il voulait assumer son rôle de père quoiqu’il arrive alors un mariage fut rapidement célébrer entre les deux parties. Leur mariage correspondait plutôt bien à ce qu’il avait sous les yeux depuis son enfance, il ressemblait à celui de ses parents. Sans sentiments. Il avait plus l’impression de vivre avec une amie colocataire plutôt qu’avec sa femme. Mais bon, ses parents ne lui avaient jamais renvoyé l’image d’un couple aimant non plus. Alors, il s’imaginait que c’était normal après tout. Ils dormaient dans le même lit, partageaient leurs repas cuisinés par les domestiques, vaquaient à leurs occupations et cédaient aux plaisirs charnels de temps à autre, comme tout couple normal. Pourtant dès qu’ils sortaient, le jeu des apparences reprenait et ils devaient se montrer irréprochables pour faire taire les mauvaises langues. Un jeu auquel Castiel avait l’habitude de jouer depuis toujours. Faire bonne figure, encore et toujours.
La naissance de son fils fut un véritable miracle pour lui. Dès qu’il l’eut dans les bras à la maternité, il sut qu’être père était la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Il était gaga de son fils, de son petit Leo, son petit trésor. Il était tellement magnifique, tellement adorable qu’il ne put jamais hausser le ton avec lui. Jamais il ne put lui résister sur quoi que ce soit. Ce n’était pas un enfant capricieux pourtant Castiel cédait au moindre de ses désirs sans rechigner et avec le sourire. Le flic à la maison c’était Milah, pas lui. Lui était là pour les câlins. Dans sa jeunesse, il n’avait pas connu de figure parentale aimante alors il voulait en donner une pour son fils. Il voulait être comme sa Mimi quand lui était petit. Il voulait être l’épaule sur laquelle son fils pleurerait, les bras dans lesquels il se réfugierait. Contrairement à ce qu’il avait vécu avec ses parents quand il était enfant, il voulait être présent pour son fils.
Enfin, pour ses deux enfants en fait, puisque trois ans après la naissance de Leo, arriva sa petite princesse, la prunelle de ses yeux, son rayon de soleil, l’amour de sa vie, son petit ange, sa fille Leena. On dit souvent qu’il y a un rapport particulier entre un père et sa fille. Et bien, c’est exactement le cas entre Castiel et sa petite puce. Ils sont toujours collés ensemble. Sa naissance n’était pas prévue, mais la pression qu’exerçait la famille de Milah sur eux pour avoir plus de descendants eut raison de leurs efforts. Et puis, agrandir la famille était une envie commune entre les deux époux. Alors la petite fut accueillie avec une immense joie, par tout le monde.
Heureux parents d’un garçon de six ans et d’une fillette de trois ans, Castiel et Milah continuent de vivre leur vie tranquillement. Il est un papa comblé par ses enfants qu’il chéri de jour en jour, il aime son travail dans lequel il s’épanouit malgré ce que peuvent en penser ses parents. Sa vie de couple en revanche un peu plus chaotique. Certes, il apprécie sa femme, mais pas en tant qu’épouse. Il la considère plus comme la mère de ses enfants que comme sa femme à lui. L’amour n’est pas là malgré leurs moments d’intimité un peu forcés. La cohabitation est parfois un peu difficile car ils ne s’entendent pas sur certains points et comme Monsieur est râleur, ça n’arrange pas toujours la situation. Cependant, il se plait dans sa vie actuelle faite de faux semblants, comme toujours. Le principal, c’est l’amour qu’il porte à ses deux trésors. S’il est bien sûr d’une chose c’est que ses enfants sont sa plus grande réussite, sa plus grande fierté. Et rien ne pourra jamais changer ça.