Whisper words of wisdom, let it be [Logan]

Aujourd’hui, j’avais passé une bonne partie de ma journée à la salle de sport, à courir sur un tapis de course pour m’échauffer et finalement taper dans un sac de frappe pour me défouler. J’en avais besoin, j’avais de l’énergie à revendre et ce besoin constant de taper dans quelque chose pour évacuer tout ce que je pouvais garder en moi, comme la rancœur, ou ce genre de chose. Il n’y avait que de cette manière que j’avais réussi à m’extérioriser au fil des années. Je n’étais pas une foutue gonzesse qui racontait sa vie pour évacuer. J’agissais autrement et ça marchait plutôt bien. A tel point que mon gout pour me bastonner s’était développé au fil des années jusqu’à ce que j’en fasse mon travail. Certes, il n’avait rien de légal et je n’étais qu’un vulgaire sans emploi aux yeux de la société mais je gagnais de l’argent. Pas mal d’argent même. Organiser des combats clandestins, ça payait pas mal. Enfin, en fin de journée, j’avais décidé de rentrer chez moi pour prendre une douche et manger un morceau. Parce que mine de rien ça creuse de frapper dans un sac.

Sauf qu’une fois fini tout ça fini, qu’est-ce que je pouvais bien faire ? Mater la télé comme un grand-père ? Il était hors de question que je reste chez moi à me faire chier. J’avais même envoyé un message à la plupart de mes frères et sœurs pour savoir s’ils étaient dispos, mais comme par hasard, ce soir tout le monde était occupé. Parfait qu’ils aillent se faire foutre ! Furibond, j’attrapais ma veste en cuir et mes clés et je quittais mon appartement en claquant la porte. J’allais trouver à m’occuper tout seul, un point c’est tout.

Mains dans les poches et cigarette entre les lèvres, mes pas me guidèrent jusqu’au Blue Bar, le bar le plus proche de chez moi. Très pratique quand je devais rentrer bourré, je n’avais pas loin à aller. Je jetais ma clope par terre avant d’entrer en poussant la porte. Il commençait à y avoir du monde à cette heure, à croire que tout le monde avait eu la même idée que moi. Il était clair que je n’allais pas rester à m’emmerder seul alors il fallait que je trouve quelqu’un à qui pourrir la soirée ou au mieux avec qui m’envoyer en l’air, tant qu’à faire, autant ne pas perdre son temps et ne pas être venu pour rien. Mon regard balaya la salle pour trouver une proie potentielle, mais mon inspection fut interrompue par les vibrations de mon téléphone dans ma poche. Je m’avançais vers le comptoir, les yeux rivés sur le message que Clara venait de m’envoyer. Elle commençait déjà à me prendre le chou pour le repas des fêtes de fin d’année. Tous les ans, elle tenait absolument à ce qu’on passe le réveillon de Noël ensemble et qu’on se réunisse tous dans la joie et la bonne humeur. Autant dire que ça foutait un merdier pas possible quand Josh et Louna étaient dans la même pièce. Avec Sam, on ne ratait jamais une miette de leurs embrouilles. Et forcément, il y avait toujours un moment où Scott me cassait les burnes. Alors les fêtes de fin d’année chez nous, c’était toujours animé. Bref, alors que je m’asseyais en lui répondant, je sentis qu’on me tapait sur l’épaule. Qui osait déjà m’emmerder ? Est-ce que j’avais piqué la place de quelqu’un ? Est-ce que j’allais déjà chercher la merde à peine arrivé ? Non. En me retournant, je fus bien surpris de découvrir Kiara, ma petite poupée. Un surnom que je lui avais donné il y a bien longtemps quand je l’entrainais dans mes délires. Elle était ma poupée, parce que j’en faisais ce que je voulais. Du moins, plus à une époque que maintenant, vu que Madame avait décidé de se ranger. Mais depuis, le surnom était resté. Un sourire étira mes lèvres en la voyant. « Tiens ma petite poupée, ça faisait longtemps. Tu te fais chier dans ta vie parfaite alors tu es revenue voir ton défouloir préféré ? » Je me doutais qu’elle m’avait vu par hasard et qu’elle ne m’avait pas cherché expressément. « Tout dépend de quelle batte de baseball on parle ma chérie. » Assurais-je avec un petit sourire en coin. Il ne fallait pas être sorti des grandes écoles pour comprendre le sous-entendu. Je parlais de celle que j'avais entre les jambes.

Le tabouret à côté de moi étant libre, je le tapotais pour l’inviter à s’asseoir. « Pose ton joli petit cul ici. » Me voyant installé la barmaid ne tarda pas à se pointer pour prendre ma commande. Kiara avait déjà à boire alors je commandais une bière et elle partit me la chercher. Ceci fait, je posais mon téléphone qui ne cessait de s’allumer pour me signaler la réception des messages de ma sœur, sur le comptoir et je reportais mon attention sur ma distraction du moment. « Alors, raconte moi à quel point ta vie est merveilleuse maintenant que tu ne te diverties plus. » C’était ironique évidemment.

C’était assez surprenant de tomber sur Kiara dans un bar, étant donné que Madame s’était rangée et était devenue plus sérieuse dans sa vie. Ouais pour moi les gens qui reprenaient leur vie en main ne sortaient plus de chez eux à part pour aller bosser. Triste vie. Il nous arrivait de nous parler par téléphone ou via les réseaux sociaux mais en général ça s’arrêtait là puisqu’elle était rarement disposée à sortir. Ce n’était pas la fin du monde, loin de là. Elle passait juste à côté de quelque chose, la plupart du temps. « L’ennui est un fléau, je confirme. » J’avais horreur de ça, ça me rendait dingue. « Dommage, tu devrais. Ça te donnerait l’opportunité de passer de bonnes soirées. » Avec moi c’était certain, j’avais toujours des bonnes idées. On ne s’ennuyait pas avec moi. Jamais. Elle en avait eu la preuve par le passé. Pendant une période, elle ne pouvait plus se passer de moi. Quand ça allait mal dans sa vie. Et puis, une fois que tout était rentré dans l’ordre, elle avait cessé de venir me voir. Tant pis pour elle. C’est elle qui perdait au change, pas moi.

Enfin, elle était là et la soirée prenait une tournure plus intéressante d’un seul coup. Si elle était venue me trouver c’est qu’elle avait envie de s’amuser. Sinon, elle serait partie s’asseoir ailleurs et passer sa soirée de son côté en faisant comme si elle ne m’avait pas vu. Quand elle mentionna ma batte, l’esprit mal placé que j’avais ne put s’empêcher de faire une allusion sexuelle. Quoi, on ne change pas sa façon d’être. « Ce n’est pas trop dur à deviner, même si je les manie toutes les deux à la perfection. » Assurais-je avec un petit sourire en coin. Je me vantais mais je savais que Kiara aimait coucher avec moi. Elle n’aurait pas retenté plusieurs fois l’expérience dans le cas contraire. Moi si une nana m’avait déçu au pieu, je n’aurais pas recommencé avec elle. Le siège à côté de moi étant libre, je l’avais invitée à prendre place. Maintenant qu’elle était là, elle n’allait pas repartir. Ce serait con. Elle s’installa aussitôt et je rangeais mon téléphone dans la poche de ma veste. Clara parlerait dans le vent désormais, j’avais mieux à faire que lui répondre.

Voyant que je n’avais rien à boire, le barman se pointa enfin pour prendre ma commande. Pas trop tôt. En attendant qu’il aille chercher mon verre, Kiara buvait le sien et me racontait combien sa vie était devenue ô combien passionnante. « C’est quoi ton boulot déjà ? » Elle avait déjà dû me le dire, ou peut-être pas, dans tous les cas, je n’en avais plus la moindre idée. C’est dire à quel point ça m’intéressait. Le barman arriva avec mon verre de whisky dont je bus une gorgée tout en souriant à la remarque de Kiara. « Je n’ai pas pour ambition de gagner un séjour gratuit là-bas. » Comme mon frère. « Tu me sous-estimes si tu m’imagines finir à l’ombre. » Il est vrai que malgré tout, tout ce que je faisais de ma vie pouvait m’y conduire. Y compris mon job dont elle ne connaissait pas la teneur. « Je pensais que tu ne sortais plus du tout, que tu menais une vie tranquille et ennuyante. Qu’est-ce que tu fais là ? » Avoir une vie stable ne signifiait pas qu’on restait cloitré chez soi, pourtant dans ma tête c’était un peu ça. « Tu arrives à te motiver chaque matin pour te lever ? Tu dis que tu bosses le week-end, mais qu’est-ce que tu fais la semaine ? Ne me dis pas que tu restes chez toi à te faire chier quand même. » Parce que là ce serait grave et je devais impérativement reprendre les choses en main.

J’avais la réputation d’être un type avec qui on ne s’ennuyait pas. C’est vrai que passer une soirée en ma compagnie était synonyme de grosse éclate. Dans tous les sens du terme. L’ennui était mon pire ennemi alors j’avais toujours des idées pour passer le temps. Mes idées étaient amusantes, il fallait bien l’avouer, parfois dangereuses ou hors la loi, mais drôles quand même. Non pas que je sois un boute-en-train mais je savais rendre une soirée agréable. Ce soir, comme à chaque fois, Kiara ne serait pas déçue. Rien de bien grave ne pouvait lui arriver, techniquement. Le plus intéressant était de sentir cette adrénaline monter. Là c’était jouissif. A mon sens. Sa plaisanterie sur le traceur GPS me fit rire. « Ça pourrait être utile ! Je pourrais t’épargner bon nombre de soirées ennuyantes ! » Que ce soit pour l’entrainer dans mes plans ou dans mon lit. Bonne soirée garantie.

Pour ce qui était de mes deux battes de baseball, il est vrai qu’elle ne les avait pas côtoyées, ni l’une ni l’autre depuis un long moment. Un sourire en coin vint se glisser sur mes lèvres. « J’ai tendance à marquer les esprits. La batte est devenue ma marque de fabrique. » Que ce soit celle en aluminium ou la mienne, j’étais connu pour l’une comme pour l’autre. Combien de fois avais-je défoncé un abruti qui avait emmerdé l’un de mes frères ou l’une de mes sœurs avec ma batte ? Beaucoup trop souvent pour que je puisse compter. Josh avait même pris l’habitude de m’offrir une nouvelle batte à chacun de mes anniversaires. « Je peux même te proposer une séance de rattrapage si tu es nostalgique. » Avec l’une ou l’autre. Ou même les deux si elle le voulait.  Elle me parla de son boulot, elle bossait dans une boite de nuit. Je connaissais cette boite. « Le Therapy, mon frère bosse là-bas, il est toujours un peu à l’ouest. Samuel. Ça doit être ton collègue. » Outre le fait que mon frère y soit barman, j’y avais déjà passé des soirées. Ils passaient de la bonne musique et il y avait toujours des proies faciles.

Le barman m’apporta mon verre, enfin. J’en bus une gorgée quand elle reprit la parole. Mignon ? Moi ? J’étais bien plus que ça ! Quant au fait de déclencher des émeutes dans les douches, non merci. « Je suis surtout trop malin pour ça. Et je n’ai pas le profil du taulard. » Contrairement à Thomas. Un Hawkins en taule avait suffi. Elle s’offusqua presque quand je mentionnais sa vie ennuyeuse. Ben quoi ? Madame s’était rangée, non ? « Les gens calmes se font chier, c’est bien connu. Et tu vois, tu avoues toi-même que tu t’ennuyais, je ne l’invente pas. Tu n’as donc plus une vie si palpitante que ça. Heureusement que tu es tombée sur moi pour égayer ta soirée et peut-être même ta nuit. Qui sait, tu voudras peut-être renouer avec le bon vieux temps. » Assurais-je avec un sourire en coin en avalant une nouvelle gorgée de mon verre. Je l’écoutais me raconter son petit quotidien ennuyant à mourir. Comment pouvait-elle se suffire de ça ? J’avais l’impression d’entendre une fifille sérieuse dans sa petite vie qui ne savait plus ce que s’amuser voulait dire. Je posais mon coude sur la table pour soutenir ma tête avec ma main tout en arquant un sourcil. « Wouah, tu te balades en ville, tu vas au cinéma mais quelle vie de folle furieuse tu mènes ! Je comprends pourquoi tu t’éclates autant ! » J’étais ironique évidemment. Si je menais la vie qu’elle menait, je me ferais royalement chier. « Kiara ma chérie, laisse-moi te dire que tu t’es ramollie. Ne me dis pas qu’il t’arrive de passer des journées entières devant la télé quand même ? » Non parce que là ça craint. Il y avait tellement de choses à faire dans une vie que de perdre son temps devant cette connerie qu’est la télévision. Quand t’es bourré okay, ça peut être drôle, mais en étant sobre ? Non, aucun intérêt.

Sa question me fit sourire et je fis mine de réfléchir. « Un mec comme moi… » Oui, j’étais exceptionnel, j’en avais conscience. « Déjà, je suis unique en mon genre. Et je suis sûr que j’arriverais même à dévergonder une bonne sœur. Heureusement pour toi, tu n’es pas encore arrivée à ce stade. » Je ne répondais pas à sa question, mais qu’importe. J’attrapais mon verre pour le finir d’une traite et je me levais. Je sortis mon portefeuille pour payer nos consommations pour poser l’argent sur le comptoir avant de reprendre. « Et tu ne l’atteindras pas. Il n’est jamais trop tard pour revenir dans mon chemin. » Je tendais ma main vers elle pour l’inviter à la prendre et me suivre, si elle en avait envie. « Viens avec moi, on va se replonger dans le passé, parce que tu en as besoin. Je ne peux pas te laisser devenir une grand-mère avant l’âge. Et puis, je suis sûr qu’au fond de toi, ça te manque tout ça. » Je lui adressais mon plus beau sourire pour achever de la convaincre. « En souvenir du bon vieux temps ma petite poupée ? »