La vie est plus courte qu'on ne le croit | Evanna

oilà maintenant plusieurs jours que j’étais hospitalisé. Après des mois de négligence – ou plutôt des années – la réalité m’avait rattrapé. Je m’étais bien rendu compte que je n’allais pas bien depuis très longtemps. J’avais toujours mis ça sur le compte de la fatigue dû à l’éducation de ma fille en bas âge. Je me voilais la face, ni plus ni moins. J’avais déjà eu un malaise dans une supérette le mois dernier. Malaise qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille parce que mon corps m’avait alerté que j’avais un grave problème de santé. Mais j’étais borné et persuadé qu’il ne pouvait rien m’arriver. Pourtant, je n’étais pas un surhomme, contrairement à ce que je pensais. J’étais faible, depuis un long moment et j’avais préférais me voiler la face plutôt que de l’admettre. J’étais le chef de famille, le papa d’une petite princesse, je me devais de me montrer fort. Mais je ne l’étais pas. Crise cardiaque. Voilà ce qui m’avait mené à l’hôpital en début de semaine. Mon cœur m’avait lâché alors que j’étais avec ma famille. Pepper eut le réflexe d’appeler immédiatement les secours, ce qui m’avait sauvé la vie. J’aurais pu y rester. J’avais failli mourir parce que j’avais refusé de voir la vérité en face. Réalité qui me faisait honte.

Mon cœur était affaibli pour une bonne raison. J’étais un homme dans la force de l’âge, alors théoriquement, mon cœur était censé être en bonne santé. Or, ce n’était pas le cas. Lorsque le médecin avait mis un mot sur le mal qui me rongeait, j’avais nié en bloc. Ce n’était pas possible. Ils s’étaient forcément trompés sur leur diagnostic à mon égard. Je ne pouvais pas être tombé aussi bas, ce n’était pas moi. J’étais catégorique et sûr de moi, ils se trompaient. Pourtant, plus les jours passaient et plus je réalisais qu’en fait, je me voilais encore la face. Mon cœur ne pouvait pas être abimé sans une cause spécifique. Je commençais tout juste à prendre conscience de mon véritable problème, celui qui était à l’origine de ma crise cardiaque, celui qui s’était accru en moi pendant plusieurs années. J’étais alcoolique. Quand Pepper m’avait quitté il y a trois ans, ce fut à ce moment que j’avais commencé à boire. Je buvais pour noyer ma peine. Les événements s’étaient enchainés et j’avais continué de trouver refuge dans l’alcool. Boire était devenu normal, presque nécessaire au fil du temps. C’était devenu un geste tellement anodin que je ne faisais même plus attention. Quand ma fille est née, c’est à ce moment que j’ai ralenti mes consommations. Les symptômes que j’associais à mon état de jeune père étaient en fait dûs au manque d’alcool. Je ne le réalisais que maintenant, petit à petit. Tout s’éclairait enfin.

J’étais toujours à l’hôpital, les médecins voulaient surveiller l’état de mon cœur pendant encore un petit moment et ils devaient mettre un place une thérapie pour me sevrer en douceur. Ils m’avaient prévenu qu’il ne fallait pas que j’arrête de boire du jour au lendemain car les symptômes de manque pourraient m’être fatals. Un long combat contre mes démons m’attendait et je ne savais pas encore si j’étais prêt à les affronter. Pour le moment, seule Pepper était au courant pour mon problème d’alcool. Le reste de ma famille avait juste été prévenu que j’étais hospitalisé à cause de mon arrêt cardiaque. Selon les médecins, c’était à moi d’annoncer à mes proches mon problème. Mais je n’étais pas certain d’être encore prêt pour ça… J’avais honte et je n’étais pas sûr de supporter leur regard sur moi. Pour l’heure, je savais qu’Evanna allait passer me voir aujourd’hui, elle m’avait prévenu. J’avais hâte de la voir pour me changer les idées. Pepper venait me voir tous les jours avec Emma après son travail mais elle ne terminait pas sa journée avant plusieurs heures. J’étais pressé que ma cousine arrive parce que ce silence pesant dans ma chambre m’oppressait…

uelle horrible nouvelle que d’apprendre qu’Emrys était à l’hôpital. Lorsque Pepper m’avait appelée, les sanglots dans la voix, j’avais l’impression de revivre un moment tragique et horriblement familier. Mais heureusement, mon cousin était bel et bien vivant. Il allait s’en tirer, il le fallait. Néanmoins, une crise cardiaque à son âge, alors qu’il ne semblait présenter aucun signe pouvant laisser penser à des problèmes de santé aussi préoccupant, cela m’avait surprise. Je me demandais en boucle, le long du trajet, si Emrys était au courant qu’il avait un problème cardiaque, et si tel était le cas, pourquoi il ne m’en avait pas parlé. Depuis que nous nous étions retrouvés après le décès de Jon, mon mari, nous nous étions énormément rapprochés, je lui confiais beaucoup de ma vie et lui aussi. Ma fille était très souvent chez lui également, c’était comme si nous n’avions jamais été séparés, comme si nous nous étions toujours connus. Alors pourquoi ne m’avait-il pas parlé d’une chose aussi grave ?
J’en venais à penser (et à égoïstement l’espérer) qu’il n’en savait rien, que ça lui était tombé dessus comme ça, sans prévenir. J’en savais quelque chose, la science regorgeait de surprises, pas toujours bonnes. Mes fonds marins, mes observations au microscope me le faisaient souvent rappeler.

J’avais donc eu enfin la permission de venir rendre visite à Emrys et l’avais prévenu que je viendrais ce jour, à cette heure. J’étais pressée de le revoir, il me manquait et j’étais surtout morte d’inquiétude. Avoir des nouvelles par message ou téléphone était une chose, mais rien n’était plus parlant qu’une réelle rencontre. Je ne voulais pas le perdre lui aussi comme j’avais perdu Jonathan, je ne le supporterais pas. Conduisant avec prudence, je finis par arriver sur le parking de l’hôpital où je me garais avant d’enfin entrer dans l’établissement, demandant à l’accueil où aller pour retrouver mon cousin. Etrangement, une fois devant la porte, une sorte d’appréhension me prit. Mais je toquais quand même avant d’entrer, après avoir entendu une permission. J’avais entendu le son de sa voix et déjà je me sentais un peu plus rassurée. Enfin je vis son visage, et là je me sentais revivre.

- Hey ! Lançai-je avec un sourire.

Je ne devais pas me montrer différente de ce que j’avais toujours été, bien que mon cousin m’ait connue au plus bas aussi, malgré les efforts que je faisais pour dissimuler ma tristesse. Aujourd’hui, tout allait mieux pour moi, et je voulais que tout le monde aille aussi bien que moi. Je m’avançai doucement de son lit pour m’asseoir sur la chaise à côté, après m’être penchée pour déposer un baiser sur son front.

- Alors, ça va pas de nous faire des frayeurs pareilles ? Commençai-je en m’asseyant, le regardant avec tendresse.

Je glissai ma main dans la sienne tout en déposant de l’autre mon sac au sol devant moi. J’en sortis un journal, trois DVD et une boîte de fruits confits que j’avais faits moi-même.

- Je me suis dit qu’un peu de distraction te ferait plaisir.

Ce n’était jamais drôle d’être hospitalisé, et on trouvait le temps long lorsqu’on n’avait pas de visite. Je posai le tout sur sa table de chevet, si l’on pouvait appeler ça ainsi, avant de reporter mon attention sur mon cousin.

- Tu veux m’expliquer ce qui s’est passé ? Pep’s est restée assez vague… Je te mentirais si je disais que je ne me faisais pas de souci. Comment ça a pu t’arriver ?

Ce n’était pas de la curiosité malsaine. Il était mon cousin, je l’aimais et je voulais qu’il aille bien. J’étais proche de lui comme je l’étais de très peu de personnes, et je voulais comprendre. Je pouvais aussi comprendre qu’il ne souhaite pas en parler, il me connaissait, j’ étais ouverte et il le savait. Le choix lui revenait.

’avais un mal fou à accepter ma condition. Ce n’était pas possible. Je n’étais pas tombé aussi bas, n’est-ce pas ? D’après les médecins, il était normal que je doute, que je refuse de voir la vérité en face et que l’acceptation était le premier pas et non des moindres, vers la guérison. Pour le moment, je n’avais pas encore franchi cette étape. J’avais besoin de temps parce que pour l’instant mon entêtement prenait le pas sur mon raisonnement. Le fait qu’Evanna vienne me rendre visite me faisait plaisir. Sa venue allait pouvoir me changer les idées parce que rester seul pendant des heures avait tendance à me faire broyer du noir. Cela me rappelait l’époque où Pepper m’avait quitté, quand j’étais resté seul pendant de très longs mois. Je n’aimais pas repenser à cette période sombre de ma vie où l’alcool était devenu mon exutoire. Heureusement l’arrivée de ma cousine me sortit de mes sombres pensées et un sourire étira doucement mes lèvres en la voyant entrer. « Salut. » Elle s’approcha de mon lit et vint embrasser mon front avant de prendre place sur la chaise.

« Je suis désolé, ce n’était pas vraiment prévu au programme. » Assurais-je avec un sourire désolé. Non ce n’était pas prévu mais j’aurais pu l’en empêcher en faisant des examens plus tôt. Avec le recul, je me disais que j’aurais dû réagir bien avant. Mais bon, on ne pouvait pas changer le passé. Elle déposa ce qu’elle m’avait apporté sur la table, à savoir un journal, des DVD et une boite de fruits confits et elle serra sa main dans la mienne. « Merci c’est gentil. C’est vrai qu’on trouve le temps long par ici. » Surtout quand j’étais seul. Il y avait la télé mais aucun programme intéressant. On s’ennuyait bien vite dans une chambre d’hôpital, sans avoir la moindre possibilité d’aller se promener. Mais maintenant qu’Evanna était là, le temps allait passer plus vite. Malheureusement pour moi, elle me posa la question que je redoutais. Qu’est-ce qu’il s’était passé. Comment j’avais pu en arriver là. C’était surtout une accumulation de beaucoup de choses, mais également une négligence de ma part. « Crise cardiaque. C’est arrivé sans prévenir. » C’était en partie vrai. Je ne l’avais pas vue venir. Même si mon corps m’avait pourtant mis en garde quelques semaines auparavant. Mais pour le coup, je devais bien avouer que ça m’avait surpris. « Enfin plus ou moins. » Il y avait une raison à cela. Une raison qui expliquait pourquoi mon cœur était devenu faible. Mon foie également en avait pris un coup. Cependant, il était encore trop tôt pour que je l’accepte et que je l’admette à voix haute. J’avais trop honte pour ça. « Ce n’est pas vraiment anodin, mon cœur est affaibli. Mais… Je ne suis pas encore prêt à accepter tout ça. Mon médecin m’a prévenu que ça risquait de mettre du temps. Ajoutons à ça mon entêtement… » Bref, elle ne devait pas comprendre grand-chose à ce que je devais dire. Peut-être qu’elle allait mettre ça sur le compte du cocktail de médocs qu’on m’injectait par perfusion. « Enfin, si tu veux des réponses à tes questions, Pepper t’expliquera mieux que moi. » Assurais-je avec un petit sourire. Pepper pouvait lui dire, elle était au courant puisqu’elle avait été présente quand les médecins me l’avait annoncé. Cette chose qui me rongeait depuis des années et me dévorait de l’intérieur. Cette chose que je me refusais d’accepter.

Mais j’avais besoin de me changer les idées, de penser à autre chose et de m’assurer que de son côté, tout allait bien. « Mais assez parlé de moi, je vais m’en remettre. Ne te fais pas de soucis. Comment va Elizabeth ? Et toi ? Quoi de nouveau dans ta vie ? » Cela faisait un petit moment qu’on ne s’était pas vus, peut-être y avait-il eu du changement dans sa vie ? Est-ce que sa relation avec sa fille s’était améliorée ? Comment allait la petite ?

uelle angoisse que de retrouver Emrys dans un tel contexte, le voir allongé dans un lit d’hôpital. Mon coeur s’était serré en le voyant ainsi alité, mais d’un autre côté, constater par moi-même qu’il était en vie m’avait rassurée, du moins un peu. Je devais savoir exactement de quoi il retournait pour l’être totalement, mais mon cousin ne me devait rien, alors je ne pouvais qu’espérer qu’il accepte de m’expliquer un peu plus le pourquoi du comment.

- On ne prévoit jamais de finir à l’hôpital, lui répondis-je avec tendresse.

Je déposai tout ce que je lui avais apporté et m’installai, écoutant ce qu’il me disait. J’étais horrifiée d’entendre les mots « crise cardiaque ». Comment était-ce possible ? Quand on regardait mon cousin, on voyait un homme jeune qui avait l’air de s’entretenir. On était loin du cas typique classique du bedonnant qui mange gras et qui boit de la bière à longueur de journée, ou d’un certain âge, bref les candidats idéaux pour l’infarctus du myocarde. Comment une telle chose avait-elle pu arriver à Emrys ? Mon regard devait certainement trahir mon étonnement, j’étais à peu près sure que mes yeux eurent l’air exorbités lorsque j’entendis la cause de l’état de mon cousin.

- Toi, une crise cardiaque ?

Emrys restait vague, et moi j’étais encore plus inquiète. Etait-il victime d’une malformation ? Je me posais mille et une questions et mon cousin avait l’air de parler chinois devant moi.

- Oh Emrys, je suis tellement désolée. Si je peux faire quoi que ce soit, si tu veux me parler, tu sais que tu peux.

Il proposait même que je pose mes questions à Pepper. Je souris en secouant la tête.

- Tu sais, c’est de ta santé dont il s’agit ? C’est à toi de me dire ce que tu veux que je sache. Je n’ai pas à aller fouiner. Tu me diras ce que tu te sens prêt à me dire, mais sache que jamais je ne te jugerai, au contraire, je suis là pour toi. On est une famille.

J’espérais qu’il verrait la sincérité de mes paroles. Je l’aimais, je ne voulais que son bien. Depuis que nous nous étions retrouvés, il avait toujours été là pour m’aider, notamment quand Elizabeth était en crise. D’ailleurs, il ne tarda pas à m’en demander des nouvelles. Ils étaient très proches tous les deux et quelque part, ça me rassurait. Je savais bien que notre relation mère-fille avait pâti de mon comportement au décès de Jonathan, j’avais eu peur de faire plonger ma fille dans ce trou noir dans lequel je m’étais retrouvée sans comprendre, alors j’avais ressenti le besoin de m’isoler un peu. Et je sais que Lizzy ne me l’avait jamais pardonné. Bien qu’elle ait été entourée par ses grand-parents, elle m’avait accusée de l’avoir abandonnée. Pourtant, je n’étais pas loin, mais c’était vrai, je n’étais pas là. Quand, quelques mois après, j’avais retrouvé Emrys, ma fille avait trouvé en lui un confident et ça m’avait fait plaisir. Pauvre Emrys, condamné à écouter les petits malheur des deux Porter. Cet homme était un amour, et il ne méritait pas, à mon sens, de se retrouver dans cette chambre d’hôpital.

Il me demanda d’ailleurs des nouvelles de mon adolescente, et de moi. Etait-ce le bon moment pour lui parler de l’homme qui partageait ma vie maintenant ? J’avais déjà tellement peur de la réaction d’Elizabeth, je ne le lui avais toujours pas présenté. Je n’avais même pas évoqué le fait que je voyais quelqu’un. J’avais peur de sa réaction, peur de comment elle interpréterait les choses. C’ét ait une ado de douze ans, c’était tout ou rien. Je l’aimais tant, je voulais qu’elle soit heureuse et je ne voulais plus que nous soyions en conflit. J’avais déjà merdé une fois, hors de question de me la mettre à dos une seconde fois.

- Oh Lizzy ? Tant que je la laisse aller surfer avec sa nouvelle planche et ses amies, tout va bien. Tu lui manques. J’ai pas vraiment osé lui dire où tu étais… J’attendais que tu m’en dises plus. Ets-ce que tu veux qu’elle vienne te voir après les cours ?


Je me reclai la gorge. J’avais terriblement besoin de ses conseils, je m’en rendais compte. Cette nouvelle relation, c’était vraiment nouveau pour moi. J’avais connu Jon au lycée, autant dire que je n’avais connu personne d’autre, et par ailleurs, puisque ça devenait sérieux, il faudrait bien que je me résolve à en parler à mon entourage.

- Je… j’ai quelque chose à te dire… qu’il faudrait aussi que je dise à Lizzy mais tu sais, j’ai… j’ai vraiment peur de sa réaction alors euh… j’aurais bien aimé t’en parler avant… Tu sais toujours si bien y faire avec elle.

J’avais soudain l’air d’une adolescente moi-même. C’était stupide.

- En fin d’année, j’ai rencontré quelqu’un.

n effet, personne ne prévoyait de finir à l’hôpital quelle que soit la raison. A part les médecins qui y travaillaient, personne n’aimait cet endroit, moi le premier. Mais je n’avais pas eu le choix. Si on ne m’y avait pas emmené, je ne serais plus de ce monde à l’heure actuelle. Je voyais bien qu’Evanna s’était inquiétée. Ça se lisait parfaitement sur les traits de son visage. Ce qui était normal. J’aurais réagi de la même façon si les rôles avaient été inversés. Lorsque je lui expliquais que j’avais fait une crise cardiaque, je remarquais parfaitement que son inquiétude était montée d’un cran. Ce n’était pas anodin. Je me contentais de hocher la tête face à sa question rhétorique. Elle n’avait pas vraiment besoin que je lui confirme, elle ne faisait que réaliser à voie haute ce que je venais de dire. Cependant, je ne me sentais pas encore prêt à lui en expliquer les raisons. Evidemment mon arrêt cardiaque n’était pas survenu sans raison. Mais la vérité était encore trop dure à accepter pour moi. Elle assura que je pouvais compter sur elle et que si j’avais besoin de quoi que ce soit, elle serait là pour moi. « Je le sais, merci. » Assurais-je avec un sourire. Malheureusement, elle ne pouvait pas faire grand-chose à l’heure actuelle. Personne ne le pouvait en fait.

Je lui avais proposé de voir ça avec Pepper parce qu’elle était au courant de mon… problème. Mais elle ne voulait pas, avançant tout un tas d’arguments valables sur le fait qu’il s’agissait de moi et qu’on était une famille. Certes. « Et je suis content que tu sois là, vraiment. C’est juste que… Ce n’est pas quelque chose de facile à admettre. » J’en avais honte surtout. « Apparemment le premier pas c’est de reconnaitre qu’on a un problème. » Je ne pouvais pas en dire plus. J’avais déjà du mal à l’accepter moi-même, ce n’était pas pour le dire à haute voix. C’est pourquoi je préférais changer de sujet pour en venir à sa fille, la petite Elizabeth que j’aimais énormément. Ça faisait un petit moment que je ne l’avais pas vue avec tout ça, alors je voulais prendre de ses nouvelles. Je savais que c’était tendu avec sa mère, j’espérais donc que leur relation s’était améliorée un peu. Evanna me donna des nouvelles positives, la petite puce adorait faire du surf et elle se débrouillait plutôt bien sur une planche. J’avais déjà eu l’occasion de la voir à l’œuvre. « Moi aussi elle me manque. » Mais visiblement elle n’était pas au courant que je me trouvais à l’hôpital, c’était peut-être une bonne chose. « Ce serait peut-être mieux pour elle qu’elle reste à l’écart, non ? Même si je pense qu’elle n’apprécierait pas trop. J’ai envie de la voir bien sûr, mais je ne voudrais pas l’inquiéter non plus. J’ai déjà l’une des deux Porter qui se fait du mauvais sang pour moi, je m’en voudrais que ce soit le cas pour les deux. » Je n’aimais pas provoquer ce genre de sentiment. Je n’aimais pas voir mes proches dans tous leurs états pour moi.

Elle finit par changer de comportement, en se raclant la gorge et je sentais comme de l’hésitation dans sa voix. Elle avait quelque chose à me dire, quelque chose qu’elle n’avait pas dit à Lizzy non plus parce qu’elle redoutait sa réaction. Est-ce que c’était grave ? « Oh oui bien sûr, je t’écoute. » Je me demandais juste de quoi il s’agissait. Je me redressais un peu dans mon lit et elle m’annonça qu’elle avait rencontré quelqu’un. Je haussais les sourcils, je ne m’attendais pas à ça. « Oh, et bien, c’est une bonne chose, non ? Tu as le droit de faire des rencontres, comme tout le monde. » Je comprenais le problème qui se posait à elle. Si Evanna était amenée à refaire sa vie, ce n’était pas certain que sa fille apprécie. C’était assez délicat. Mais avant de penser à Lizzie, il fallait qu’elle m’en dise plus. « Et depuis ? Comment ça se passe ? Est-ce qu’il t’intéresse ou est-ce que vous avez déjà franchi des étapes ? Enfin dis-moi tout ! » Je souriais, j’étais curieux d’entendre son histoire et d’en apprendre plus sur ce type. C’était d’ailleurs assez étrange comme situation parce que j’étais content pour elle. Si ma sœur m’avait annoncé la même chose, ma réaction aurait été radicalement différente. Peut-être parce qu’Evanna et Jayleen n’avait pas le même caractère. Je savais ma sœur fragile et naïve. Evanna n’était pas comme ça. Peut-être aussi que le fait que je la connaisse depuis moins longtemps jouait aussi là-dessus… Parce que j’avais tendance à être extrêmement possessif avec mes proches. Ma fille avait bien du souci à se faire quand elle serait en âge de fréquenter des garçons…

tre présente pour mon cousin me semblait normal, tout autant que de lui faire comprendre qu’il pouvait tout me dire. Je ne voulais pas qu’une tierce personne me parle de ses problèmes, même si j’appréciais beaucoup Pepper, j’estimais que c’était à Emrys de me parler de sa santé, il était libre de me dire ce qu’il voulait que je sache, ou ne pas me parler de ce dont il ne voulait pas. Il devait le faire à son rythme, tout simplement.

- Les problèmes ne sont jamais faciles à admettre, j’en sais quelque chose, crois-moi.

J’acquiesçai, il avait déjà bien compris le mécanisme. Accepter de reconnaître qu’on avait un problème. Le pauvre, je ne lui souhaitais que du bien et le voilà pourtant alité à l’hôpital. Quelle tristesse. Il savait qu’il avait toutes les cartes en mains. Bien vite, nous parlions de ma chère Lizzie. Ma fille était tout pour moi, même si nos relations étaient toujours quelque peu tendues. Je lui proposais de l’emmener le voir, et il m’expliqua ne pas vouloir l’inquiéter.

- C’est toi qui décides, Emrys. Juste, attends-toi à ses foudres si elle apprend ce qui t’arrive.

Je ponctuai cette phrase d’un clin d’oeil. Elizabeth savait bien faire comprendre à son petit monde quand elle était en colère. J’en pâtissais assez souvent pour pouvoir en témoigner. Parler de ma fille me fit penser qu’elle n’était pas encore au courant pour Alan et moi, ce qui m’amena au fait qu’Emrys non plus, et pourtant j’aurais bien eu besoin de conseils. Alors, je finis par me lancer et lui dire que je voyais quelqu’un. Emrys posait déjà tout un tas de questions. Je savais qu’il serait de bons conseils, alors je me lançai.

- Bon alors voilà… Je l’ai rencontré dans un bar. Tu te rappelles en octobre, quand je m’apprêtais, comme chaque année, à passer la date fatidique seule chez moi, toi et d’autres personnes m’avez conseillé de sortir. Finalement, je vous ai écouté et je suis allée comme une idiote dans un pub. J’ai fait ce que toute idiote dans mon genre fait : j’ai bu et j’ai rencontré cet homme qui tenait l’établissement, et qui m’a tenu compagnie. J’ai voulu l’éloigner en lui disant que j’étais veuve, d’habitude ça marche. Lui apparemment ça ne l’a pas dérangé. On a fait la fermeture et franchement, je pense que j’étais à la limite de la perte de connaissance parce que je me rappelle de quasiment rien… mais je sais que je me suis réveillée chez lui… Donc ça laisse peu de place au doute. Voilà, j’ai honte de te le dire mais j’ai agi comme une gamine immature et je souhaite de tout coeur que ma fille ne soit pas comme moi plus tard. Bref, pour moi il était hors de question de revoir Alan, je me suis barrée vite fait aussitôt que j’ai émergé. Quelques semaines plus tard, nous fêtions le départ d’un collègue et devine où ils m’ont emmenée ? Dans ce bar. J’ai tout fait pour l’éviter, mais visiblement, quelqu’un lui a donné mon numéro. Les jours et les semaines qui suivirent, il n’a cessé de m’écrire et m’appeler. Je filtrai tout. Je ne sais comment, il a trouvé où je travaillais, et alors que je devais sortir en mer, il m’a suivi jusqu’au bateau. Alors que j’étais réfractaire, nous avons un peu discuté, et tandis que je plongeais, il m’a tiré une sacrée épine du pied. Pour la petite histoire, j’ai failli me faire bouffer par une famille d’orques qui chassait. Bref, en rentrant, je l’ai invité à déjeuner pour le remercier, et je me suis aperçue que ce n’était pas si désagréable que ça de passer du temps avec lui. Finalement j’ai accepté un rancard, un vrai, le 30 décembre, un pique-nique nocturne à la plage, suivi du lendemain matin d’un cours de cuisine, parce que figure-toi que c’est un ancien chef, et il a proposé d’essayer de me montrer des trucs, adapté à notre régime végétalien. Et le soir, je suis allée l’aider dans son bar pour le réveillon. Figure-toi que j’ai passé l’une des meilleures soirées depuis ces trois dernières années.

A mesure que je parlais, le sourire n’avait plus quitté mes lèvres. Oui, j’étais bien avec Alan, c’était nouveau, ça me faisait peur, mais j’étais bien et il savait me rassurer.

dmettre qu’on avait un problème était la première étape à franchir vers la guérison mais également la plus difficile à réaliser. Les médecins m’avaient annoncé dans quel état je me trouvais réellement il y a quelques jours mais depuis, je n’avais pas encore accepté cette vérité. Ils devaient se tromper. Ils se trompaient forcément. Comment aurais-je pu tomber aussi bas ? Ce n’était pas possible, je ne voulais pas le croire. Je préférais attendre qu’ils revoient leur jugement et leurs analyses. « Merci de ta compréhension. » Evanna était une femme bien et je savais qu’elle n’était pas le genre à brusquer qui que ce soit contre sa volonté. A sa place, je n’aurais probablement pas insisté non plus. Probablement. Lizzie fit son entrée dans notre conversation et je m’inquiétais de savoir comment elle allait en ce moment. Je connaissais les tensions qui existaient avec sa mère et j’espérais sincèrement que la situation s’arrange un jour. Elle me proposa de la laisser venir me voir à l’hôpital mais je n’étais pas certain que ce soit une si bonne idée. Cependant, le petit avertissement d’Evanna me fit revoir mon jugement. Avoir une adolescente en colère sur le dos, ce n’était pas l’idéal. J’eus un léger rire. « Bon, tu peux lui dire et si jamais elle décide de venir me voir, alors emmène la moi. C’est vrai que ça me ferait plaisir de la voir. » Je l’aimais cette petite. Elle passait pas mal de temps avec moi quand elle le pouvait et j’essayais toujours plus ou moins subtilement d’arranger la situation avec sa mère.

Evanna m’annonça qu’elle voyait un homme en ce moment. J’étais content pour elle mais forcément, je voulais en savoir plus. La vie de ma cousine m’intéressait bien plus que mon état. Elle se lança et me raconta toute l’histoire. Je l’écoutais attentivement, hochant la tête de temps en temps pour acquiescer ses dires. Jusqu’à ce que le nom de cet homme ne m’interpelle. Alan. Je connaissais un Alan qui tenait un bar. Un irlandais qui était arrivé en Australie depuis quelque temps. C’était un mec plutôt cool avec qui je m’étais finalement lié d’amitié… Plus elle me donnait des détails, plus sa description collait avec l’homme que je connaissais. Ancien cuisinier. C’était lui, il n’y avait pas de doute. Le sourire sur le visage d’Evanna ne laissait aucun doute quant à la nature de ses sentiments pour lui. Quand je parlais de Pepper, j’avais le même air béat sur le visage. Mes vieux démons refirent surface comme à chaque fois qu’un homme entrait dans la vie des femmes de ma famille ou proches de moi. Une légère pointe d’inquiétude. L’avantage c’est que je connaissais déjà cet Alan. « Alan Murray. C’est ça ? » Evidemment que c’était lui. « Je le connais. Petit accent étranger, plutôt direct avec un franc parlé. » Je me redressais légèrement dans mon lit pour m’asseoir un peu mieux. « Il m’a sorti d’un mauvais pas moi aussi, il y a quelques années. J’avais pas mal bu aussi et des mecs me sont tombés dessus à la sortie d’un bar parce que j’avais été un peu expéditif avec l’un d’entre eux. Je m’étais retrouvé assez vite par terre à m’en prendre plein la gueule et Alan est arrivé pour me sauver la mise. » On s’était rencontrés comme ça et depuis, on se voyait de temps en temps. « Le monde est petit quand même. Mais si tu sens bien avec lui alors profite. C’est un type bien. C’est important de se sentir aimé et important aux yeux de quelqu’un. En dehors de sa famille je veux dire. » L’amour était un sentiment indéfinissable qui illuminait une vie. Quand on le perdait… On se perdait nous-mêmes. Et j’en savais quelque chose. Evanna aussi avait le droit de retrouver le bonheur. « Et comment ça se passe avec Lizzie ? » Je connaissais la demoiselle, je connaissais son tempérament de feu. Avait-elle accepté de partager sa mère ? Ou Evanna n’avait-elle pas encore sauté le pas en l’annonçant à sa fille ?

arler avec mon cousin avait toujours été apaisant pour moi. Depuis la mort de Jonathan, avoir renoué avec cette partie de la famille m’avait été extrêmement bénéfique même si je n’étais pas parvenu, jusqu’à la rencontre avec Alan, à me sortir de ma triste période de deuil du mois d’octobre. A présent, les choses avaient changé et je ressentais ce besoin d’en discuter avec Emrys parce que j’avais le sentiment qu’il ne me jugerait pas et que comme toujours il saurait trouver les mots. C’était ainsi entre nous, aucun jugement, jamais, toujours de la bienveillance et du soutien. Il était incroyable avec Elizabeth et je lui avais bien fait remarquer que ma fille risquait de mal prendre le fait qu’on lui cache la vérité sur son état, mais c’était à lui de choisir. Mon cousin consentit à ce que j’informe Lizzie et que je l’accompagne si elle souhaitait passer. Une chose qui m’inquiétait concernant Emrys était la durée de son hospitalisation.

- Ils comptent te garder combien de temps ?

Puis j’osai enfin parler de ma rencontre à Emrys. Cet homme qui avait su briser les barrière que j’érigeais sans cesse jusqu’à maintenant. Alors que je commençais à lui expliquer les circonstances de notre rencontre, mon cousin me surprit en citant le nom complet d’Alan alors que je ne l’avais encore jamais dit.

- Mais… comment…

Et la réponse ne tarda pas à arriver, ils s’étaient déjà rencontrés ! Quelle drôle de coïncidence ! J’appris qu’Alan avait aidé Emrys et j’étais encore plus confortée dans l’opinion que j’avais de lui : c’était un vrai gentil.

- ça alors, c’est incroyable ! laissai-je échapper, prise entre l’amusement et la surprise.

Il faudrait que je lui en touche un mot, sans doute ne savait-il pas qui était Emrys pour moi. Mon cousin sembla me donner sa bénédiction, il disait que c’était un homme bien, et même si c’était un détail que je savais, ça me faisait plaisir de l’entendre d’une tierce personne.

- Merci, Emrys.

Et là, il souleva un point important. Lizzie. Comment ça se passait avec elle. A vrai dire, je voulais attendre pour lui en parler, j’étais du genre plutôt prévenante et j’avais tellement peur des réactions de mon adolescente. Mais les choses ne se passaient jamais comme prévu, ça non.

- Eh bien… Je voulais attendre avant de lui en parler, je voulais être sure, je voulais que tout soit parfait. Mais je crois que ma vie ne sera jamais aussi bien réglée que je le voudrais. Lizzie passait le week-end chez sa meilleure amie et moi j’étais à la plage avec Alan. Devine sur qui nous sommes tombés ? Je peux pas croire qu’une plage aussi grande et aussi bondée nous ait permis de nous croiser par hasard. Le destin me joue de drôles de tour. Bref, comme tu l’imagines, ça a été la crise quelques instants, et vraiment je ne savais plus quoi faire. Et Alan est parvenu à la calmer, je ne sais comment, il est allé discuter avec elle et tout s’est arrangé. J’attends un peu avant d’organiser une seconde rencontre mais je dois dire que ça m’a rassurée.

es femmes Porter étaient des fortes têtes. Ce n’était pas étonnant puisque c’était de famille. Lizzie avait un sacré caractère et elle en faisait voir de toutes les couleurs à sa pauvre mère. C’eut été dangereux de la tenir éloignée de ce qu’il m’était arrivé, même si ça ne m’enchantait pas de l’inquiéter pour rien. Enfin, pour rien… Ce n’était pas rien, certes. Mais je n’aimais pas que mes proches s’inquiètent pour moi. Je n’aimais pas être une source de tracas pour qui que ce soit. Pepper était suffisamment angoissée, Evanna aussi à présent, je ne voulais pas que mon état se répercute sur une autre personne. Malheureusement, je n’avais pas trop le choix. Recevoir les foudres d’Elizabeth n’était pas non plus une bonne chose. J’aimais cette petite. J’essayais d’arranger les choses entre sa mère et elle, alors mieux valait que je reste hautement placé dans son estime. « Je ne sais pas trop, je devrais sortir d’ici quelques semaines. Ils veulent s’assurer que je sois hors de danger avant de me laisser rentrer chez moi. » Et le plus dur resterait à faire par la suite.

Cependant, le sujet qui s’en suivit fut plus intéressant que mon état. Ma cousine avait rencontré un homme. Un homme que je connaissais qui plus est. C’était une drôle de coïncidence. Mais c’était une bonne chose que je le connaisse déjà. Il m’avait tiré d’un mauvais pas et m’avait rendu un fier service. Mon jugement ne pouvait donc pas être négatif à son égard. « Ouais, le monde est petit ! » Quelle était la probabilité pour que son nouveau compagnon soit un de mes amis ? En sachant que j’en avais peu ? Le hasard était quand même bien fait. Pourtant, malgré mon enthousiasme, il restait un point important à soulever. Sa fille. Etait-elle au courant ? L’avait-elle déjà rencontré ? Comment est-ce que ça se passait si tel était le cas ? J’étais curieux mais j’appréhendais aussi un peu. A l’adolescence, voir sa mère avec qui on était en conflit refaire sa vie ne devait pas être simple. Et connaissant Elizabeth, je doutais que ça se passe bien. Elle m’exposa la situation, assurant qu’elle voulait attendre pour lui en parler, mais que le hasard avait forcé les choses. Si les choses étaient mal parties, Alan, contre toute attente, avait réussi à calmer le jeu. « Décidément, il est parfait cet Alan. » Lançais-je en riant légèrement. « Lizzie est intelligente, je pense qu’au fond d’elle elle peut comprendre que tu aies besoin de refaire ta vie, de te sentir aimée à nouveau. Mais elle est adolescente, alors forcément, rien ne sera simple. » Et elle en savait quelque chose. « A ses yeux, il ne pourra jamais remplacer son père et elle le considérera sans doute comme un intrus au départ. Il faut leur laisser du temps, à tous les deux, pour s’apprivoiser. Peut-être même que ça ira mieux entre vous grâce à lui ? Qui sait ? Et peut-être même qu’elle me parlera d’Alan. Déjà, s’il a réussi à calmer les choses, c’est un bon début. Ça a dû la surprendre de te voir avec quelqu’un et c’est normal. » Ça aurait surpris n’importe qui d’ailleurs. « En tout cas, je suis là si tu as besoin. » Même malgré mon état. « Oh et tu passeras le bonjour à Alan de ma part tiens ! » ça risque de lui faire bizarre d’apprendre qu’Evanna et moi sommes cousins.

avoir que mon cousin passerait plusieurs semaines hospitalisé n’avait rien de réjouissant, cependant le fait qu’il soit, par ce biais, surveillé par des professionnels de santé était quelque part rassurant… Bien que malgré tout je sois, à cet instant précis, assez inquiète car pas du tout au fait de ce qui lui arrivait exactement. Mais je ne voulais pas insister au risque d’être lourde. Il me connaissait, il savait qu’il pouvait tout me confier et que jamais il n’y aurait de jugement de ma part. C’était à lui de voir quand il serait prêt pour parler de ce qui l’accablait. Et moi, mon rôle serait alors de l’écouter, tout comme lui l’avait toujours fait et le faisait encore pour moi. C’était ça, être une famille.

- Bien. Fais tout ce qu’ils te disent, et tu n’hésites pas à me sonner si tu as besoin de que je vienne plus souvent ou pour n’importe quoi d’autre.

La famille, j’avais toujours été prête à tout pour elle. Emrys tenait une place très importante dans mon coeur et il était hors de question que je ne sois pas là pour lui dans un moment difficile.
Mon cousin parvenait si facilement à me faire parler de moi, moi qui pourtant détestais être le centre de l’attention. Ainsi donc, il connaissait l’homme qui avait réussi à faire battre à nouveau mon coeur. Je n’en revenais toujours pas. J’en venais à lui conter comment ma fille l’avait rencontré, sans que ce ne soit prémédité et combien je m’étais sentie mal l’espace d’un instant. Lizzie avait un sacré tempérament et Alan était parvenu à l’apprivoiser, mais ceci était valable l’espace d’une après-midi. Qu’en serait-il sur le long terme ?

- Je sais, et Alan n’a aucunement l’intention de remplacer Jon. Ils sont très différents. Lizzie le sait. Mais comme tu dis, avec une ado, rien n’est jamais simple. En ce moment, je ne sais pas comment la prendre. Tout peu aller merveilleusement bien comme être une catastrophe mondiale. C’est compliqué à gérer et c’est pour ça que j’attends un peu avant de les faire se voir à nouveau.

Avais-je peur qu’elle ne l’effraie ? Avais-je envie de le garder égoïstement rien que pour moi ? Je n’en savais rien. Mais j’avais l’impression que patienter un peu était la bonne chose à faire.


- Merci, lui répondis-je simplement quand il me rappelait qu’il était là en cas de besoin. Je le sais et j’espère que tu te souviens de la réciproque est vrai. C’est plutôt à moi d’être là pour toi d’ailleurs en ce moment.

J’avais pour mission de passer le bonjour à Alan, et ce serait fait. Je ne savais pas encore quand je le reverrais mais sûrement bientôt, j’en avais déjà grand hâte. Ce n’était pas tout ça, mais l’heure tournait. Les visites seraient sans doute bientôt terminée et je devais aller chercher Lizzie au collège. Sans doute serait-ce le moment de lui parler de son tonton Emrys.

- Je ne vais pas t’embêter plus longtemps. Elizabeth va m’attendre à la sortie du collège.

Mon cousin devait se rappeler de ma phobie des voitures et transports si ce n’était pas moi qui conduisais, encore plus si ma fille était passagère… Ceci depuis le décès de son père. Je me levai de mon fauteuil, resserrant l’étreinte de ma main autour de la sienne.

- Tu prends bien soin de toi, promis ? demandai-je avant de me pencher pour lui embrasser le front. Et si tu as besoin que je te ramène d’autres trucs, tu me sonnes !

Je lâchai finalement sa main, lui souris une dernière fois et quittai la chambre, croisant les infirmières qui sans doute se relayaient. Il était grand temps que j’annonce la vérité à ma fille, et ce serait sûrement épique.