La merde, tu ne tombes pas dedans, c’est moi qui t’y pousse ✘ Logan

La porte de l’appartement se referma en un claquement sourd. Le bruit résonna dans toutes les pièces pendant quelques secondes avant que le silence ne revienne tout engloutir tel un monstre affamé. Le corps en miettes, du sang s’écoulant sur sa joue et son menton, Logan s’avança dans son appart pour rejoindre la cuisine où il ouvrit directement le frigo pour y récupérer une bière. Le réfrigérateur fut la seule source de lumière dans la pièce pendant quelques instants. Il décapsula sa boisson et jeta la capsule dans l’évier avant d’en boire quelques gorgées. Son corps n’était que douleur. Sur ses phalanges, du sang de son adversaire avait séché. Il avait reçu un mauvais coup dans les côtés et chaque inspiration lui arracha une douleur lancinante. Pourtant il était fier, il avait gagné son combat et par là même un petit pactole. Son adversaire de ce soir avait été pourtant plus imposant que lui, plus large, plus grand. Mais Logan l’avait accueilli avec son petit sourire aux lèvres. Cette montagne ne lui avait pas fait peur, jamais. Quand on était un Hawkins, on n’avait peur de personne. Logan en particulier ne craignait personne, même s’il ne pouvait pas en dire autant de chacun de ses cadets qui craignaient sans doute un minimum Scott, leur aîné. Le si parfait Scott. L’irréprochable Scott. Le détestable Scott. Logan ne détestait pas son frère, bien sûr, mais la jalousie le dévorait depuis toujours. L’aîné des Hawkins suscitait le respect et l’admiration chez les autres. Chose que Logan enviait énormément. Lui aussi faisait partie des aînés de la famille, il était le second enfant à avoir vu le jour dans cette fratrie indissociable. Pourtant, il n’y en avait que pour Scott, encore et toujours. Alors chaque jour, il faisait ce qu’il pouvait pour attirer l’attention, pas forcément de la meilleure façon qui soit, certes. Mais au moins, ses frasques ne passaient pas inaperçu. Il faut dire que cette famille était assez atypique. Aucun d’entre eux n’a jamais eu un cadre familial normal avec des parents aimants, une belle maison et un chien. Oh non. Ça ne se passait pas comme ça chez les Hawkins. Logan considère ses parents comme des géniteurs, rien de plus. Sa mère n’était bonne qu’à pondre des gosses et son père ne faisait que gueuler, le cul dans son fauteuil et une bière à la main. Pas de cadeaux pour Noël ou les anniversaires, pas de jouets, pas d’affection, rien. Le néant et les aînés qui se démerdaient pour s’occuper des plus jeunes qui n’en finissaient pas d'apparaître pour agrandir la famille inlassablement.

Sa bière terminée, avalée presque cul sec, il la posa sur la table de la cuisine pour rejoindre sa chambre. Il ne prit pas la peine d’allumer la lumière et retira son t-shirt déchiré et ensanglanté pour le jeter par terre. Sans plus de cérémonie, il se laissa tomber sur son lit. Allongé sur le dos, il posa une main sur son ventre et regarda le plafond, laissant ses pensées divaguer. Il se sentait bien malgré la douleur. La douleur physique n’était pas un problème pour lui, il avait l’habitude de se battre et de se prendre des coups depuis toujours. Combien de fois s’était-il battu avec ses frères ? Combien de fois avait-il défendu sa fratrie en éclatant des petites raclures qui les avaient emmerdés ? Se battre et s’en prendre plein la gueule avait toujours fait partie de sa vie. Ce n’était pas maintenant que ça allait changer. Il se souvint même qu’il avait refait le portrait à quelques mecs qui tournaient un peu trop autour de ses sœurs et cette pensée le fit sourire. Il se rappela même du mec de Clara, celui qui s’était accroché suffisamment malgré les menaces de tous les Hawkins. Celui-là même qui avait perdu la vie dans un accident de voiture qui avait failli prendre celle de sa soeur. Quand Scott l’avait prévenu par téléphone ce jour-là, il avait ressenti un profond désarroi, pour la première fois de sa vie. Comment oublier cette sensation ? Comme si on lui avait arraché violemment une partie de lui. Il s’était lui-même senti mourir ce jour-là. Pour combler et parer ce sentiment qu’il ne connaissait pas et ne maîtrisait pas, il avait pris sa batte de baseball et avait ravagé son appartement. Comme une sorte de défouloir. Heureusement pour tout le monde, Clara s’en est sortie. Dans le cas contraire, il aurait très certainement remué ciel et terre pour retrouver le chauffard d’en face pour le tuer de ses propres mains.

Soupirant comme pour éloigner ce mauvais souvenir de son esprit, il se tourna pour s’allonger sur le ventre, attrapant son oreiller entre ses bras. La vie de sa famille n’avait pas toujours été facile. Entre l’accident de sa sœur, le comportement de Samuel qui lui attirait bon nombre de problèmes, un peu comme Logan en réalité. De tous ses frères, Sam était celui qui lui ressemblait le plus. Ils avaient le même caractère et un gout prononcé pour les conneries et la recherche d’adrénaline. Combien de fois avait-il fallu venger les miches de Samuel parce qu’il avait cherché la merde avec un mec plus imposant que lui ? Il n’avait jamais été très subtile, ni très malin il faut dire. Logan avait réussi l’exploit de sortir avec quatre gonzesses au lycée en s’en sortant qu’avec des paires de gifles. Sam quant à lui avait couché avec la sœur d’on ne sait plus qui et s’était fait tabasser par trois mecs. Résultat, il avait fini dans le coma, comme Clara. Un véritable cauchemar cette famille. Inutile de préciser comment s’est terminée cette histoire. Les trois crétins ont rencontré les quatre autres frères Hawkins et ça ne s’est pas très bien terminé pour eux. Logan aurait même pu faire un magnifique Homerun si la tête de l’un d’eux avait été une balle de baseball. Un sourire s’étira sur le coin de ses lèvres en repensant à la magnifique dérouillée que le clan Hawkins leur avait fait subir pour venger leur petit frère. Du grand art. Ce n’était pourtant pas le seul drame auquel chacun d’eux avait dû faire face. L’un des pires, celui qu’on pourrait aisément classer dans le top trois des plus grosses merdes qui leur sont tombés dessus. L’emprisonnement de Thomas. Un coup dur, pour tout le monde. Chacun avait réagi à sa façon. Logan pour sa part avait éclaté son téléphone contre un mur après avoir appris la nouvelle. Et puis, il était allé tabasser quelques gueules lors de ses combats pour se défouler. Cependant, contrairement à son aîné qui ne daigna pas se déplacer jusqu’à la prison, lui s’y rendait. Une occasion en or pour faire baisser Scott dans l’estime de leur jeune frère. Et puis, il voulait s’assurer qu’il allait bien malgré tout et que les autres taulards ne l’emmerdaient pas trop. D’ailleurs, chaque fois que Thomas se pointait avec des nouveaux bleus ou des plaies, il devenait tellement incontrôlable que les matons durent le virer de là, le menaçant de le priver de visite s’il recommençait. Mais cela n’a jamais arrêté Logan. Voir son frère amoché sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit le foutait en rogne.

Ses yeux commencèrent à se fermer doucement, la fatigue le gagnant lentement. Lui n’avait jamais été envoyé en prison, pourtant il en avait fait des conneries. Combien de fois les flics l’avaient-ils ramené chez lui dans son adolescence parce qu’il était complètement bourré ? Combien de voitures avait-il dégradé dans sa vie ? Il avait été un véritable démon à l’école. Le corps enseignant n’en pouvait plus des Hawkins, pensant pourtant qu’il était débarrassé de la racaille Hawkins après Scott. En vain. Cinq tornades avaient débarqué après Logan. On peut aisément dire que les Hawkins ont marqué les esprits durant toute leur scolarité. Ils étaient l’enfer sur terre pour chacun de leur professeur et pour les proviseurs qui se sont succédés. On ne peut pas dire que Logan se soit calmé avec l’âge. Certains mûrissent, lui non. Pour preuve, il n’a même pas un travail stable. A quoi bon ? Il n’est pas fait pour être banquier ou pour se faire chier derrière un bureau. Non, lui a soif d’adrénaline. Il préfère gérer et participer à des combats clandestins que d’écouter des clients insupportables à qui il rêverait d’en foutre une bien bonne pour les faire taire. La patience, ce n’est pas vraiment son truc. Il a ce besoin irrépressible de cogner. Il fut d’ailleurs le seul de sa fratrie à s’être battu avec leur abruti de père. Depuis ce jour, il n’a plus revu ni sa mère, ni son père et il s’en porte très bien. Ses souvenirs commençaient à disparaître pour laisser place à des choses sans queue ni tête. Le voilà qui plongeait dans les bras de Morphée, un sourire aux lèvres. Demain est un autre jour. Plein de rebondissements, sans aucun doute.