A la recherche du cadeau idéal, et plus si affinités ⊰ Vicky

Je n’étais pas habitué à faire des cadeaux. Mis à part à ma famille, comme tout le monde. Et encore, malgré les insistances de ma mère, je ne parvenais pas à me libérer tous les ans pour passer les fêtes de fin d’année avec ma famille. Je me déplaçais rarement à Sydney en réalité tant mon travail était prenant. Dans tous les cas, faire des cadeaux n’était pas quelque chose dont j’avais l’habitude. J’avais eu la chance de tomber sur quelque chose qui avait plu à Manava pour son anniversaire mais cela avait réellement été un coup de chance. Cette année, je voulais faire un cadeau à Maeve. Mais j’étais encore plus dans l’embarras qu’à l’ordinaire. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir offrir à une jeune fille dont je ne connaissais absolument rien ? Qu’est-ce qui pourrait lui plaire ? En plus c’est compliqué à cet âge. J’avais longuement réfléchi à la question mais aucune bonne idée ne m’était venu en tête alors j’avais finalement contacté sa mère pour savoir si elle était d’accord pour me donner un coup de main. Contre toute attente, elle avait accepté et je devais passer la prendre chez elle pour qu’on aille faire les magasins ensemble. La perspective de passer du temps avec elle me faisait plaisir même si une certaine distance s’était installée entre nous avec le temps et notre passé. Je ne perdais pas espoir sur le fait que la situation entre nous finisse par s’arranger. Après tout, avec notre fille, nous allions être amenés à nous côtoyer davantage.

Manava avait un nouvel entretien aujourd’hui et elle avait prévu de passer du temps chez sa meilleure amie par la suite, j’avais donc moins de remord à l’abandonner pour l’après-midi. Je lui souhaitais bon courage et déposais un bisou sur son front avant de quitter l’appartement et rejoindre ma voiture pour me diriger vers l’adresse que Victoria m’avait donné. Sans comprendre réellement pourquoi, je me sentais nerveux. J’avais comme une boule qui me tordait l’estomac comme un peu adolescent qui se rendait à un rendez-vous amoureux. Or c’était loin d’être le cas. J’allais juste passer quelques heures avec Vicky pour trouver un cadeau pour ma fille. Même dit come ça, c’était étrange. J’avais une fille. Oui, j’étais père. Et je revoyais mon premier amour après vingt ans. La situation n’avait rien d’ordinaire, j’avais juste l’impression de revenir des années en arrière, à l’époque où Vicky et moi nous fréquentions.

Après de longues minutes, j’arrivais à l’adresse indiquée, en avance, et je me garais sur le parking. Et là j’hésitais. Est-ce que je devais l’appeler pour qu’elle me rejoigne ? Ou devais-je plutôt monter jusqu’à chez elle ? Je décidais finalement de me déplacer moi-même. Peut-être qu’elle n’était pas prête alors si c’était le cas, je préférais ne pas la presser. Arrivé devant sa porte, je pris une profonde inspiration avant de toquer. Lorsqu’elle vint m’ouvrir, un sourire se glissa sur mon visage alors qu’elle apparaissait dans mon champ de vision. La voir me faisait toujours quelque chose, même après tant d’années… « Bonjour Victoria. Je suis désolé, je suis un peu en avance alors peut-être que tu n’es pas encore prête ? » Je n’avais jamais été en retard dans ma vie, bien au contraire. Aujourd’hui encore, j’étais arrivé avec dix minutes d’avance. J’espérais juste ne pas la prendre au dépourvu. « Prends le temps qu’il te faut, je peux attendre, ce n’est pas un problème. »

Passer du temps avec Vicky après toutes ces années était assez étrange quand on y réfléchissait. Il y a encore quelques temps je ne pensais jamais la revoir et voilà que j’allais passer mon après-midi avec elle dans les magasins. Ça me faisait plaisir, bien évidemment, mais cela n’en était pas moins perturbant. Nous allions faire les boutiques pour trouver un cadeau pour notre fille. Jamais je n’aurais imaginé dire ça. Et pourtant, j’étais bel et bien entré dans son appartement pour attendre qu’elle finisse de se préparer. J’étais arrivé en avance, comme toujours, parce que je n’aimais pas être en retard quelque part. « Prends ton temps, ne t’en fais pas. » Je ne voulais pas non plus qu’elle se presse pour moi. J’avais tout mon temps. Je la laissais finir de se préparer et en attendant, je regardais un peu autour de moi. C’était donc là qu’elle vivait avec Maeve. L’endroit semblait sympa et je reconnaissais bien les touches décoratives de Victoria. Elle avait toujours eu du gout pour décorer un intérieur.

Une fois prête, elle revint vers moi en souriant et j’en fis de même. Je sortis de son appartement et elle referma derrière nous. Il n’y avait plus qu’à y aller à présent. Arrivé à ma voiture, je pris place côté conducteur et attachais ma ceinture. Elle en fit de même côté passager et je mis en route le moteur pour m’engager dans la circulation. La radio se ralluma avec la mise en marche de la voiture, mais le son était suffisamment bas pour ne pas nous vriller les tympans. Je n’aimais pas écouter la musique trop forte, à quoi bon se rendre sourd ? « A chaque Noël ou anniversaire, elle te fait une liste ou tu choisis toi-même quoi lui offrir ? » Autant faire un peu la conversation le temps du trajet, non ? Cela rendait l’ambiance un peu moins pesante. Et puis, ça m’intéressait de savoir comment ça se passait entre elles en règle générale. Elles faisaient partie de ma famille et tout ce qui les concernait m’intéressait dorénavant. Je me souviens qu’avec mes parents quand nous étions jeunes, mon frère, ma sœur et moi avions toujours des idées précises de cadeaux. Mes parents en prenaient compte bien évidemment, mais ils aimaient rajouter des surprises en plus. C’était toujours agréable de tomber sur des cadeaux auxquels ont ne s’attendait pas. « Est-ce qu’elle a déjà une idée de ce qu’elle aimerait faire plus tard ? » La plupart des ados n’en avaient aucune idée. Il faut dire que ce n’était pas évident de trouver une orientation quand rien ne nous passionnait vraiment. Il existait tellement de métiers différents. Est-ce que Maeve était passionnée par quelque chose ?

Après quelques minutes, nous arrivions sur le parking du centre commercial. Je dus tourner plusieurs minutes avant d’enfin trouver une place où me garer. Je sortis de la voiture pour en faire le tour et rejoindre Vicky pour nous diriger vers l’entrée du centre commercial. Il y avait tellement de type de magasins différents qu’on allait devoir cibler pour en choisir un. « Par quoi on commence ? De quoi a-t-elle besoin ? Enfin… besoin est peut-être un bien grand mot. » Cela m’étonnerait que quelque chose soit vraiment nécessaire à son bien-être en dehors de ce qu’elle possédait déjà. « Qu’est-ce qui pourrait lui faire plaisir ? » Des vêtements ? Des gadgets ? Quelque chose d’un peu technologique comme un lecteur MP3 ou que savais-je encore ? Ou plutôt un accessoire beauté comme un truc pour les cheveux ? Seigneur, je n’y connaissais rien en truc de fille. « Je suis un peu dépassé par tout ça, je t’avouerais. Je n’y connais pas grand-chose aux trucs de filles finalement, alors quand elles sont jeunes… »

On se dit toujours qu’à chaque fête de fin d’année c’est la même chose, le même rituel. On se réunit tous en famille pour passer un bon moment – ou mauvais, selon les familles. Jusqu’à maintenant, c’était vrai. Quand je ne travaillais pas, je me rendais à Sydney pour passer les fêtes, ou au moins l’une des deux, avec ma famille. Mais qui aurait pu penser que cette année, ce serait à ce point différent ? Certainement pas moi. Cette année, je suis père. Cette année, j’avais appris l’existence de ma fille presque vingt ans après sa naissance. Un choc ni plus ni moins. Mais je voulais faire partie de sa vie, même si j’avais bien conscience qu’il était impossible de rattraper le temps perdu. J’avais une fille et je voulais assumer mon rôle de père. Ainsi, je me devais de lui faire un cadeau. Malheureusement, je ne connaissais rien de sa vie, de ses gouts. Il me fallait l’aide de la personne qui la connaissait le mieux. Sa propre mère. Elle était la mieux placée. Et je devais avouer que ça me faisait plaisir de passer du temps avec elle. Après son départ, j’avais réussi à me focaliser sur mon travail, pour m’y donner corps et âme et ne pas laisser ma vie personnelle obstruer mes pensées. Maintenant que Vicky était de retour dans ma vie, c’était autre chose. Je réalisais qu’elle me manquait. Beaucoup. Alors passer du temps avec elle me faisait du bien. Même si cela me rappelait que ma vie avec elle était terminée.

« Et ce que tu lui offres, ça lui plait toujours ? » A chaque fois que j’offrais un cadeau, j’avais toujours cette crainte que mon idée ne plaise pas. Comment Vicky réussissait-elle à deviner à coup sûr ce qui ferait plaisir à sa fille ? Est-ce qu’elles se connaissaient si bien que ça toutes les deux ? Est-ce que moi aussi j’aurais pu réussir à deviner ce qui ferait plaisir à Maeve si je l’avais vue grandir ? J’admirais cette relation qu’elles semblaient entretenir toutes les deux. J’étais vraiment content que Vicky ait pu lui donner tout l’amour qu’elle avait besoin. Il fallait que je me renseigne également un peu plus sur Maeve, pour connaitre ses envies, ses souhaits pour l’avenir, peut-être qu’elle avait déjà une idée du métier qu’elle voulait exercer ? Quelle genre d’élève était-elle ? Est-ce que Vicky avait déjà été convoquée par les professeurs ? J’avais tellement de questions en tête. J’appris qu’elle étudiait l’art dramatique pour devenir actrice à première vue. Elle était donc branchée sur l’audiovisuel. « Oh vraiment ? » Je trouvais ça intéressant qu’elle ait un petit groupe de musique. « Ils se sont déjà produits sur scène ? » Je ne doutais pas qu’elle chantait bien. J’avais déjà remarqué qu’elle avait une jolie voix. En tout les cas, je devais bien avouer que ça me plairait de l’entendre chanter ou de voir son groupe se produire sur scène.

Arrivés sur place, il fallait maintenant délimiter un champ d’action et choisir vers quoi se tourner. Je supposais qu’elle n’avait besoin de rien en termes de nécessité. Avec Vicky, elle ne devait manquer de rien. Restait juste à savoir ce qui lui ferait plaisir. Victoria énuméra un certain nombre de choses qui pourrait convenir, vêtements, bijoux, matériel informatique ou musical. Le choix était vaste. « On a l’embarras du choix. » Peut-être même qu’on avait trop de choix. Il serait sans doute difficile de cibler quelque chose en particulier. Face à son air quelque peu désemparé et nostalgique, je ne pus m’empêcher de poser ma main sur son épaule dans un geste réconfortant. « Je suis sûr qu’on va trouver le cadeau parfait. Tu la connais mieux que personne, je ne pouvais pas espérer meilleur guide que toi. Même si elle a grandi, au fond, elle reste ta petite fille. » Surtout qu’elle était encore jeune. A cet âge, on a encore besoin de sa mère, non ? D’autant plus qu’elles ne sont que toutes les deux. « On peut commencer par voir pour du matériel musical, un micro peut-être ? Et puis, si on est perdu dans le rayon, on pourra toujours demander conseil. Qu’est-ce que tu en dis ? » Autant commencer par quelque chose qui lui tenait à cœur, non ?

A bien y réfléchir, rares étaient les fois où je fêtais véritablement Noël. La plupart du temps, je me portais volontaire pour travailler ou être de garde, au grand damne de ma famille. Non pas que je n’aimais pas cette fête mais les urgences débordaient de monde les soirs de réveillon. L’alcool aidant, bon nombre de personnes se blessaient sans compter sur les maladroits qui ne savaient pas ouvrir correctement les huitres. Alors les fêtes de fin d’année, j’avais plus l’habitude de les passer à l’hôpital qu’en famille. Et cela ne m’avait jamais posé problème jusqu’à maintenant. J’imaginais sans mal Vicky couvrir Maeve de cadeaux depuis sa plus tendre enfance. Elle avait toujours eu un instinct maternel très développé. Personne n’était mieux placé qu’une mère pour savoir ce qui ferait plaisir à sa fille. Elle me raconta les débuts de Maeve dans la musique et je ne pus m’empêcher de sourire en imaginant tout ça. « Pourtant tu dois être sa plus grande fan, j’imagine. » Ce n’était pas difficile à deviner, il n’y avait qu’à entendre Vicky parler de sa fille pour savoir qu’elle en était si fière. Si je ne connaissais pas ma fille, je connaissais sa mère par cœur.

Arrivés sur place, le plus dur restait encore à faire. Trouver un cadeau susceptible de lui plaire. A cet âge qu’est-ce qu’on pouvait bien lui offrir. Une poupée n’était effectivement plus d’actualité. Acheter un cadeau à un enfant était bien plus simple qu’à une jeune adulte. Les magasins regorgeaient de jouets mais Maeve avait passé l’âge depuis longtemps. Mon idée de micro sembla emballer Vicky, cependant, aucun de nous d’eux n’étions véritablement calés en matière de matériel de musique. « Autant joindre l’utile à l’agréable oui. » Nous nous engagions tant bien que mal dans le magasin pour trouver le bon rayon et une fois au bon endroit, j’étais encore plus perdu qu’à l’entrée. Il y en avait partout, de toutes les marques avec des tas d’options différentes. A la question de Vicky, je glissais une main sur ma nuque en grimaçant. « Tu sais moi à part la médecine… » Je n’y connaissais rien en musique. Je n’avais jamais été bercé dedans, chez moi on avait plutôt été branchés sport. J’étais ceinture noire en judo et je connaissais mon boulot sur le bout des doigts, mais pour le reste, j’étais bien limité. J’avais de la culture générale, certes, mais ma connaissance en musique était inexistante. « J’ai des objets sous les yeux dont je ne soupçonnais même pas l’existence. » Alors choisir entre plusieurs micros relevait du défi. J’en attrapais un au hasard pour lire les descriptions. « Celui là a l’air d’enregistrer en même temps. » Cependant, en relevant la tête, je constatais qu’un autre modèle avait les mêmes fonctions mais le prix n’était pas le même. Je me fichais du budget, là n’était pas le problème mais comment savoir lequel était de meilleure qualité ? « Plus le prix est élevé meilleure est la qualité, non ? » Parfois ce n’était pas forcément vrai. Certaines marques étaient plus chères que d’autres. « Je ne sais pas trop, soit on en prend un au hasard, soit on demande conseil ? Ce serait peut-être plus judicieux de demander à un vendeur ? Si tant est qu’il s’y connaisse un minimum. »

Vicky aimait sa fille plus que tout. Notre fille. J’avais toujours su qu’elle ferait une excellente mère. De toute façon, Victoria était parfaite dans tout ce qu’elle entreprenait, alors je ne doutais pas une seule seconde que Maeve eut une enfance géniale. D’un côté, c’était triste pour moi, parce que je n’avais pas pu y prendre part. Mais d’un autre côté j’étais content que ça se soit bien passé pour elles. Je n’étais pas rancunier, parfois trop gentil selon ma sœur, alors même si ça m’avait blessé au départ d’apprendre qu’elle m’avait quitté pour élever notre fille, au final, je lui pardonnais. On ne pouvait pas revenir dans le passé pour changer les choses, alors autant aller de l’avant. Elle avait fait ce qui lui avait semblé juste sur le coup. C’était ainsi. Je n’avais jamais eu mon mot à dire, ni avant ni maintenant. Aujourd’hui, l’important était de trouver un cadeau qui plairait à Maeve. La tâche n’était pas simple, puisque pour ma part, je ne connaissais pas ses gouts et c’était toujours plus difficile de trouver quoi offrir à une ado. Heureusement Vicky eut l’idée du matériel professionnel pour son groupe. Je trouvais l’idée plutôt bonne, au moins ça lui servirait et ce n’était pas un cadeau juste pour la décoration.

« Disons que c’est le seul que je connais sur le bout des doigts. » Assurais-je en riant légèrement. Bon en soit, c’était déjà pas mal de connaitre un sujet par cœur non ? « Mais c’est vrai que je travaille sans doute un peu trop. » Je passais ma vie à l’hôpital. J’y passais plus de temps que chez moi, c’est dire. Mais bon, on avait besoin de moi et j’aimais me rendre utile et aider ceux qui en avaient besoin. C’était dans ma nature, j’avais toujours été comme ça. Je me baissais à mon tour pour jeter un œil rapide aux caractéristiques inscrites sur l’étiquette et la boite. « C’est du chinois pour moi aussi. » Il n’y avait pas à dire, quand on n’y connaissait rien, ça ne servait à rien de s’acharner. « En effet, des fois tu payes juste la marque plus cher mais niveau caractéristique c’est la même chose. » Parfois la qualité était la même, la différence de prix correspondait juste à la marque. Ou alors la qualité était vraiment meilleure et là, je serais bien incapable de choisir. Donc mieux valait demander l’avis d’un expert en la matière. Ou au moins de quelqu’un qui s’y connaissait mieux que nous. Ce qui n’était pas bien difficile vu notre niveau de connaissance. « Oui c’est mieux. »

Vicky alla cherche un vendeur et celui-ci nous donna des conseils en fonction de ce qu’on recherchait. Il avait l’air de s’y connaitre alors c’était plutôt rassurant. Il finit par nous en conseiller un en particulier. Je le remerciais également et il s’éloigna pour reprendre ses activités. « Oui, je me suis dit la même chose. » Du coup, ça me semblait être le bon choix. « Va pour celui-là. » Assurais-je en hochant la tête et en souriant. Notre choix effectué, enfin, nous nous dirigions vers la caisse du magasin pour régler notre achat. Je payais la moitié, comme convenu, et je portais le sac en sortant du magasin. « Est-ce que tu veux que je l’emmène chez moi ? Comme ça, elle aura moins de chance de tomber dessus. Ou je te le laisse ? Comme tu veux. » Maintenant que le cadeau était acheté, est-ce que cela voulait dire que nos chemins devaient se séparer ? A vrai dire, je n’avais pas envie de rentrer chez moi tout de suite, j’avais plutôt envie de passer un peu de temps avec elle. Parce que mine de rien, j’avais aimé ce petit moment à deux. Ça m’avait manqué. « Est-ce que je peux te payer un café ? Ou peut-être que tu as des choses à faire. » Je ne voulais pas m’imposer non plus. Peut-être qu’elle n’avait plus envie de rester avec moi. Peut-être qu’elle avait des choses de prévues en rentrant chez elle ? Ou des amis à voir…