ft Aiden ⊰ Alors... Voilà... Salut !

Alors... Voilà... Salut !

Maeve & Aiden

Quand je partais travailler, je ne savais jamais dans quel service j’allais être affecté. Certes, il y avait un planning, mais il était souvent modifier en fonction des besoins. A la base, j’aurais dû être affecté vers le service des urgences aujourd’hui, mais j’avais finalement atterri aux consultations parce qu’on avait plus besoin de moi là-bas. Dans les deux cas, j’étais content, j’aimais mon travail alors peu m’importait dans quel service on avait besoin de moi. L’un ou l’autre ça m’allait très bien même si le rythme était carrément différent. Les consultations étaient bien plus tranquilles et j’avais le temps de discuter un peu avec mes patients. Ce que j’aimais beaucoup faire puisque j’aimais le contact humain. Les rendez-vous s’enchainaient depuis plusieurs heures sans que je n’aie pris la moindre pause. Je n’en avais pas vraiment besoin, je préférais m’occuper de mes patients et ne pas les faire attendre trop longtemps.

J’allais récupérer le nom de mon prochain patient auprès de l’hôtesse d’accueil et celle-ci me précisa son identité en assurant que la demoiselle avait insisté pour me voir moi parce que je m’étais déjà occupé d’elle. Pourtant, son nom ne me disait rien. Megan Wild ? J’avais pourtant bonne mémoire en règle générale alors ça m’étonnait de ne pas mettre de visage sur ce nom. Mais après tout, ma mémoire me faisait peut-être défaut, ce n’était pas impossible. En me dirigeant vers la salle où elle m’attendait, j’essayais toujours de me remémorer son visage. Mais rien à faire. J’ouvris la porte et je découvrais une jeune fille dans la pièce, dos à moi. « Bonjour Mademoiselle Wild, je suis le Docteur O’Neill. » Elle devait s’y attendre puisqu’elle avait demandé à me voir. Je refermais la porte derrière moi et elle se retournait enfin pour me faire face. Oh. En reconnaissant son visage, je comprenais alors pourquoi son identité ne me disait rien. Ce n’était pas la bonne qu’elle avait donné. C’était Maeve Parker, ma fille. Ma bouche s’entrouvrit sous la surprise de la trouver là. J’avais promis à Victoria que je serais patient et que j’attendrais que Maeve soit prête à me revoir, le moment était-il arrivé ? Sa mère était-elle au courant de sa venue ? Quelque chose me disait que non. Dans tous les cas, elle paraissait nerveuse. Et encore, le mot était faible. Elle me salua et recommença à faire les cent pas sans jamais s’arrêter de parler, m’empêchant ainsi de réagir. Je l’écoutais sans rien dire, de toute façon, il m’était impossible d’en placer une. Elle parlait beaucoup, et très vite. Mais jamais elle ne croisa mon regard tout du long. Sauf quand elle eut terminé pour me saluer avec un geste de la main. Ça sentait le discours répété depuis plusieurs jours. Mais elle avait eu le courage de revenir me voir et j’en étais fier.

Bon, il n’y avait plus qu’à reprendre depuis le début à présent. « Bonjour Maeve. » Assurais-je avec un léger sourire pour tenter de la rassurer et pour l’aider à se détendre un peu. « Je suis content de te revoir, ça me fait plaisir. » Je glissais mes mains dans les poches de ma blouse et avançais dans la pièce de quelques pas. « Ta mère m’avait prévenu pour l’histoire du savon, je suis désolé. En la voyant après tout ce temps, je ne pouvais pas taire ta venue. » Surtout que sa grossesse avait été la raison de son départ à l’époque. Certes, Maeve ne me reprochait pas de lui avoir dit, mais je tenais à me justifier quand même. « Je ne peux pas t’en vouloir. Tu as eu peur, c’est une réaction normale et il te fallait du temps, comme il m’en a fallu, pour digérer et accepter la nouvelle. J’ai promis à Vicky de ne pas te brusquer, de te laisser décider du moment où tu serais prête. Je ne veux pas non plus te forcer à quoi que ce soit. C’est juste que j’aimerais vraiment apprendre à te connaitre, passer du temps avec toi, si tu es d’accord bien sûr. » Maintenant que je savais que j’avais une fille, il était normal que je veuille rattraper le temps perdu, mais pas contre son gré. « La situation est délicate, j’en ai bien conscience, et je sais que tu ne me considéreras sans doute jamais comme ton père, mais j’ai envie d’essayer, si tu en as envie aussi. »

Alors... Voilà... Salut !

Maeve & Aiden

La pauvre petite semblait désemparée, stressée, angoissée. Elle avait rassemblé son courage pour venir me trouver une nouvelle fois et c’était tout à son honneur. Je ne pouvais que l’admirer pour ça. La situation était nouvelle, aussi bien pour elle que pour moi et j’avais parfaitement conscience que rien ne serait simple, d’un côté comme de l’autre. Après tout, nous ne nous connaissions pas et il n’était pas possible de rattraper près de vingt ans d’une vie. Au mieux, nous pourrions réussir à nous entendre, à passer des bons moments ensemble. Mais jamais nous n’aurions une complicité père-fille parce que j’avais raté les années les plus importantes de sa vie. Je ne savais pas si elle en avait conscience mais j’imaginais sans mal que rien ne serait jamais facile entre elle et moi. Je la laissais parler sans la couper. Je ne voulais ni la brusquer ni m’immiscer trop vite dans sa vie. Nous avions tous besoin de temps pour nous acclimater et pour nous apprivoiser. Elle sembla chercher ses mots, hésitant et butant sur ses phrases. Elle n’était pas sûre d’elle et c’était tout à fait normal et compréhensible. Je restais silencieux, ne sachant pas vraiment quoi dire en réalité. Elle finit par avouer ne pas savoir ce qu’elle voulait à présent. Elle était une adolescente après tout, à cet âge, tout commence à devenir compliqué. « Je comprends. » Qu’est-ce que je pouvais dire d’autre ? Je ne pouvais pas la forcer à prendre une décision.

Elle finit par s’asseoir sur la table d’examen et je fis quelques pas vers elle, n’osant pas m’approcher trop près non plus. Elle avoua n’avoir eu que sa mère durant toute sa vie et que de ce fait, elle ne savait pas ce que cela faisait d’avoir un père ni comment se comporter. Je souris tristement malgré moi. « Je ne sais pas ce que c’est d’être père. Et je ne sais pas trop ce que c’est d’avoir une fille. » Là-dessus, ça nous faisait un point commun. Un triste point commun, mais un point commun quand même. Elle reprit la parole pour me parler de sa mère et m’expliquer son point de vue sur la situation. Dès le départ, il m’avait semblé évident que Vicky avait son mot à dire et qu’elle veuille gérer tout ça. Cela n’avait rien d’anormal, elle était sa mère, elle était celle qui l’avait élevée. J’eus un léger sourire lorsqu’elle émit l’hypothèse que sa mère avait peur que je lui vole sa fille. Ce n’était pas mon intention. Lorsqu’elle eut terminé, je hochais la tête pour venir m’appuyer à mon tour contre la table d’examen à côté d’elle, sans être trop proche non plus. « Je comprends parfaitement. Ça me semblerait même bizarre qu’elle reste simple spectatrice sans s’impliquer. Ce n’est pas son genre. Je la connais par cœur… Enfin… Je la connaissais. J’imagine qu’elle a un peu changé avec le temps. Tout comme moi en fait. Vicky a toujours énormément compté pour moi et… » Je me stoppais dans mon élan pour ne pas en dire trop ou tomber dans le mélodrame. J’avais aimé Victoria plus que tout au monde. Je pensais que mes sentiments pour elle s’étaient dissipés avec le temps mais le fait de la revoir avait fait resurgir des choses que je pensais enterrées à jamais. « Enfin bref. Ça me fait plaisir de savoir que vous êtes proches toutes les deux. Elle a toujours eu l’âme d’une mère et tu as l’air épanouie alors tout va bien. » J’étais un peu nostalgique en repensant à tous ces moments que j’avais passé avec Vicky et à ceux que j’avais raté avec Maeve. Mais la vie était ainsi faite, on n’y pouvait rien. « Est-ce que tu veux boire ou manger quelque chose ? Il y a une cafétéria, on peut y aller si tu veux ? Ou peut-être que tu préfères rester ici ? » Nous pouvions très bien aller discuter à la cafet’ ou rester ici pour être tranquille, c’était comme elle le désirait. « Ça va aller ? Ne profite pas d’avoir un médecin à côté de toi pour faire un malaise. » Assurais-je en riant légèrement pour tenter de faire descendre la pression que je sentais bien trop présente dans la pièce.

Alors... Voilà... Salut !

Maeve & Aiden

C’était tellement étrange comme situation. Me voilà avec ma fille dans la même pièce que moi. Il y a encore quelques mois, je n’aurais jamais cru cela possible. Et aujourd’hui pourtant, tel était le cas. J’avais une fille à présent. Une grande fille de presque vingt ans. J’avais vraiment envie d’apprendre à la connaitre, de faire partie de sa vie. Cependant, elle était la seule à décider de la place qu’elle me donnerait, si elle acceptait de m’en donner une du moins. Sa présence aujourd’hui me prouvait qu’elle avait accepté de me laisser entrer dans sa vie, c’était déjà un bon point et un sacré pas en avant. Je ne voulais brusquer personne bien évidemment. J’étais prêt à aller au rythme que chacune choisirait. Nous avions tout le temps devant nous à présent puisqu’il était impossible de rattraper le temps perdu. Il allait falloir que je me fasse à l’idée moi aussi de toute manière. Mieux valait y aller en douceur, pour le bien de tous. Je pouvais parler de Vicky pendant des heures tant elle était une femme merveilleuse à mes yeux, mais je doutais que cela intéresse tant que ça sa fille. Elle connaissant sans doute déjà sa mère par cœur. Alors pour changer de sujet, je lui avais proposé d’aller manger à la cafétéria parce qu’elle n’avait pas l’air d’aller très bien. J’imagine qu’elle devait être nerveuse. Je n’étais pas des plus à l’aise non plus.

Elle avoua qu’elle voulait des Mac&Cheese et qu’elle était capable de tuer pour en avoir avant de finalement préciser l’image qu’elle avait utilisée. Il était évident qu’elle ne tuerait personne pour manger. « Je m’en doute. Rassure-toi. » Je lui adressais un sourire. Je savais reconnaitre une métaphore quand j’en entendais une. Est-ce qu’elle me prenait pour quelqu’un n’ayant aucun second degré ? Ou la nervosité parlait-elle pour elle ? « On ne dirait peut-être pas comme ça, mais j’ai le sens de l’humour. » Enfin bref. « Par contre je ne connais pas les Mac&Cheese. Qu’est-ce que c’est ? » Ça sonnait comme un truc de fast-food, non ? Si tel était le cas, il était certain qu’il n’y en avait pas à la cafétéria de l’hôpital. « Il y a un McDo à quelques rues de l’hôpital, ils en auront peut-être ? » Je jetais un rapide coup d’œil à ma montre. Heureusement pour elle, elle était le dernier rendez-vous que j’avais avant ma pause déjeuner. « Tu veux qu’on y aille ? Tu étais ma dernière patiente de la matinée. » Enfin, "patiente", on se comprend.

Alors... Voilà... Salut !

Maeve & Aiden

Etait-ce si étonnant que je ne connaisse pas ce genre de plat ? D’accord, je ne sortais pas beaucoup parce que mon travail occupait beaucoup de mon temps, mais était-ce à ce point choquant ? C’est ce qu’elle semblait penser visiblement. Etais-je réellement à la ramasse ? En revanche sa réflexion sur mon travail me fit sourire. « Il ne faut pas toujours se fier aux préjugés. Ce n’est pas parce que je suis médecin que je cours tous les jours et que je mange bio. » Je n’avais pas le temps de faire du sport. Et à vrai dire, je n’étais pas vraiment un adepte de l’activité physique. Je courais déjà suffisamment quand je me retrouvais aux urgences. Pour ce qui était de l’alimentation, je ne faisais pas vraiment attention à ce que je pouvais avaler. Les médecins ne sont pas forcément ceux qui ont la meilleure hygiène de vie. Elle poursuivit en me décrivant son fameux plat. En gros, du gras avec du gras. Mais ça n’avait pas l’air mauvais. Je haussais les épaules. « Je connais les macaronis au fromage, mais pas avec du bacon. » Quelque chose me disait que je n’allais pas tarder à connaitre son fameux Mac&cheese. Je visualisais de quoi elle parlait, enfin plus ou moins, mais non, je n’en avais jamais mangé.

Elle se dirigea vers la porte et visiblement, je n’avais d’autres choix que de la suivre. Son obstination m’amusait. Je croyais voir sa mère. Quand Vicky avait une idée en tête, elle ne l’avait pas ailleurs, comme on dit. Même si la petite Maeve en faisait des tonnes pour un simple plat. C’était amusant. Je secouais légèrement la tête en souriant avant de la suivre et d’abdiquer sans émettre la moindre résistance. « Très bien, comme tu veux. » Elle était ma dernière « patiente » de la matinée. J’avais à présent deux bonnes heures pour déjeuner avant le rendez-vous de mon prochain patient. Nous devions avoir assez de temps devant nous. Je refermais la porte derrière moi en la regardant déjà se diriger vers la sortie. J’allais l’interpeller mais elle se retourna d’elle-même avant que j’aie besoin d’ouvrir la bouche. Il n’était pas nécessaire de prendre le bus, non. « Ma voiture est garée sur le parking. On gagnera du temps et j’ai au moins deux bonnes heures devant moi. » On aura largement le temps d’y aller. « Par contre, il faut que j’aille me changer avant. » Je n’allais pas sortir avec ma blouse et il fallait que je récupère mes affaires. Mon portefeuille notamment. « Tu m’attends là ? Je n’en ai pas pour longtemps. »

Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour faire l’aller-retour jusqu’aux vestiaires et je rejoignais rapidement Maeve. « C’est bon, on peut y aller. » J’étais fin prêt à présent. Il n’y avait plus qu’à y aller. Je pris la direction de la sortie pour rejoindre le parking et trouver ma voiture. J’avais beau être médecin et bien gagner ma vie, je n’avais pas une voiture tape à l’œil pour autant. Cela n’avait jamais été mon genre. Je l’invitais à prendre place sur le siège passager alors que je m’installais derrière le volant. J’attachais ma ceinture et démarrais le moteur. « Tu veux bien me servir de copilote ? » Et de GPS du coup, pour m’emmener à destination.

Alors... Voilà... Salut !

Maeve & Aiden

Passer du temps avec ma fille était une bonne chose, ça me faisait vraiment plaisir. Sa venue aujourd’hui me prouvait que ça l’intéressait aussi qu’on apprenne à se connaitre. Je n’étais pas stupide, j’avais parfaitement conscience qu’il ne serait pas possible de rattraper le temps perdu et qu’il y avait peu de chance qu’on soit aussi proches d’un véritable père et sa fille un jour elle et moi. Nous avions passé vingt années de nos vies sans rien savoir de l’autre. Rattraper vingt ans n’était pas possible et il était bien plus difficile de lier ce genre de relation avec une adulte qu’une enfant. Quoiqu’il en soit, j’étais parfaitement disposé à lui accorder de mon temps pour qu’on fasse connaissance. Le tout à son rythme bien évidemment, je ne voulais la brusquer en rien. Même si elle avait été celle qui avait enclenché la machine. Elle me proposa d’aller manger un plat dont elle raffolait mais avant ça, je la quittais quelques minutes le temps d’aller me changer. Je n’allais pas me promener en ville avec ma blouse de médecin.

Une fois prêt, je prenais la direction du parking avec elle pour rejoindre ma voiture. Moyen de transport bien plus pratique que les transports en commun. Je pris place derrière le volant et elle s’installa côté passager. Je lui demandais de me service de copilote et elle s’exécuta, m’indiquant la route à prendre au fur et à mesure. Elle évoqua quelques détails de son enfance, notamment sa venue plus ou moins fréquente aux urgences et le hasard qui avait fait qu’on ne s’était jamais croisé jusqu’à maintenant. En réalité, ça n’avait rien de véritablement étonnant. « Je n’ai pas toujours vécu à Melbourne. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à Sydney. Je ne suis ici que depuis quatorze ans environ et je ne m’occupais pas des urgences à mes débuts. Mais c’est vrai qu’on aurait pu se croiser bien plus tôt. » Même si en soit, cela n’aurait pas changé grand-chose, parce que même si je l’avais croisée avant, je n’aurais pas su quel lien nous unissait. Evidemment, si je l’avais su quelques années plus tôt, ma vie actuelle ne serait pas la même. Il y a fort à parier que je ne serais pas marié si j’avais su que Vicky était à Melbourne également, avec notre fille. Cependant, il n’est pas possible de changer le passé, alors il était bien inutile de partir dans ce genre d’hypothèses.

Elle m’indiqua la dernière direction à prendre et l’endroit ressemblait exactement à ce qu’elle avait décrit. « Ah oui en effet. Je n’avais jamais fait attention à ce restaurant. » Comment aurais-je pu ? Ma vie se résumait à travailler à l’hôpital. Le seul trajet que j’empruntais constamment était celui reliant mon domicile à mon lieu de travail. J’étais à Melbourne depuis un peu moins de quinze ans, pourtant, je ne connaissais pas grand-chose de la ville. Je me garais sur une place libre non loin de l’entrée et sortis de ma voiture en jetant un œil à la devanture. « C’est vrai qu’on se croirait dans un film. » Assurais-je avec un sourire, content d’avoir fait cette découverte. « Je suis sûr que tu connais mieux la ville que moi. » C’était même certain. J’imaginais sans mal qu’elle sortait bien plus souvent que moi et qu’elle connaissait les lieux qui valaient vraiment le coup dans sa ville natale. « Autant je ne connais rien à Melbourne, autant je connais Sydney comme ma poche. » Chacun sa ville de prédilection. Je m’avançais jusqu’à l’entrée et lui tenais la porte ouverte pour la laisser entrer avant moi. « Je te suis, tu as l’air d’être une habituée. »